Chroniques

par bertrand bolognesi

Верховный Совет de l'Orchestre de Paris
Guennadi Rojdestvenski « Grozny »

Salle Pleyel, Paris
- 7 mai 2010
Ivan Le Terrible, oratorio pour le cinéma, signé Sergueï Prokofiev
© dr

Mauvaise surprise que ce concert qui plaçait les musiciens de l’Orchestre de Paris sous la direction de Guennadi Rojdestvenski, dans un programme entièrement russe. Tout d’abord, si les bois de La Grande Pâque russe Op.36 de Rimski-Korsakov ont pu séduire, la raideur du tactus a surpris. C’était pourtant le meilleur moment de la soirée, il faut bien l’avouer.

Car Viktoria Postnikova gagnait bientôt le plateau pour une exécution sans queue ni tête du rare Concerto en ut # mineur Op.30 du même compositeur. Faisant un sort à tout, démontrant chaque trait comme pour mieux démonter l’œuvre, contrastant à outrance les nuances jusqu’à brutaliser l’aigu de l’instrument, Madame et Monsieur rivalisèrent de lourdeur, tant dans la dynamique que dans l’articulation, entravée par un pachydermique rubato. Comment, après ce désastre, la pianiste parvient-elle à remercier le public avec la Barcarole (juin) des Saisons de Tchaïkovski, divinement donnée, cela reste un mystère.

Nettement moins donné qu’Alexandre Nevski (partition de 1936 pour le film, révisée sous forme de cantate en 1939), l’oratorio Ivan le Terrible, arrangement des musiques conçues par Prokofiev pour les films d’Eisenstein (1943-46), n’en est cependant pas moins intéressant.

On connaît au disque la fort belle version réalisée par Valery Gergiev et le Rotterdams Philharmonisch Orkest, il y a quelques années. Malgré la remarquable intervention du contralto Larissa Diadkova et la brève mais sûre prestation de la basse Alexeï Tanovitski, malgré l’efficacité des artistes du Chœur de l’Orchestre de Paris et des enfants de la Maîtrise de Paris, malgré, enfin, la bonne volonté des musiciens eux-mêmes, et la présence du comédien Igor Chernevitch, c’est une interprétation au rouleau compresseur qu’impose un chef farceur jusqu’au cabotinage qui en alourdit le déroulement en disant lui-même le rôle-titre. Douce dérision, si tant est qu’un chef puisse être véritablement considéré comme un tyran, qui ne tient guère la route et n’occasionne que des désagréments supplémentaires.

En fait de grozny… pas terrible, cette soirée !

L’on aimerait fort entendre les policiers de Boulgakov - « C’est vous le Tsar ? Vos papiers d’identité !... » - bien avant l’ultime accord (in Ivan Vassiliévitch, 1935) ; mais non, jusqu’à la lie nous devrons boire cette vilaine récolte.

BB