Chroniques

par bertrand bolognesi

…avec un coup d’aile ivre…
Hommage à Pierre Boulez

Agora / Théâtre des Bouffes du Nord, Paris
- 11 juin 2005
le compositeur Pierre Boulez fête 80 ans aux Bouffes du nord (Paris)
© dr

Après les œuvres d’Aperghis, Neuwirth, Maresz ou Pauset, jouées cette semaine, quoi de plus naturel pour un festival ircamien que de clore cette édition par Avec un coup d’aile ivre, grande soirée d’Hommage à Pierre Boulez, qui ainsi aura eu de nombreuses fois quatre-vingt ans cette année. Deux concerts ont permis de retrouver sa musique, dans une présentation volontairement heurtée, puisque, plutôt que de programmer une énième soirée monographique, l’idée était de confronter le Boulez d’hier à celui d’aujourd’hui, dans la proximité des travaux de ses amis.

TM+ ouvre la première partie avec les deux Improvisations sur Mallarmé, conçues à la fin des années cinquante, et qui allaient peu à peu former le vaste Pli selon pli (on retrouvera l’une des Notations dans Improvisation I). À la scrupuleuse lecture qu’en dirige Laurent Cuniot vient se superposer, plutôt que se fondre, l’interprétation de Chantal Perraud ; car il s’agit bien d’interprétation... malheureusement ! Le soprano s’empare de la partition en oubliant simplement de la livrer, tout occupée qu’elle est à s’y projeter.

Le tout récent O Lux (pour dix instruments) de Brian Ferneyhough impose ensuite de délicieuses excroissances dédaléennes, tandis que La marche des transitoires de Marc-André Dalbavie fait subtilement joujou avec les colimaçons d’une esthétique de plus en plus esthétique. Composées toutes les deux cette année, ces pièces sont des commandes de l’ensemble Sospeso qui les créa en mai dernier, sous la direction de Bradley Lubman, lors d’un concert qui célébrait à New York le bel âge du compositeur, de même que Happy B. (écrite en 2004) de Bruno Mantovani qui vient clore ce premier épisode.

Auparavant, nous entendions une version un rien tendue de Dérive 1 qui trouvera un geste plus fluide en fin de parcours, et la première audition française de Tempo e tempi, composé en 1998-99 par Elliott Carter pour voix, hautbois, clarinette, violon et violoncelle. Sylvia Vadimova venait affirmer le lyrisme cartérien par la richesse d’un timbre très présent, une ligne de chant parfaitement entretenue et une évidente expressivité qui fit idéalement sonner la poésie de Montale.

À 21h30, dans la pénombre, Benjamin Carat s’installe sur scène avec son violoncelle équipé de microphones de contact. Il donnera Time and Motion Study II de Ferneyhough (1973-76), une œuvre d’une complexité autofoisonnante dont le mode d’expression, s’il s’agit bien au fond d’une même famille de préoccupations esthétiques, est fort éloigné du bref O Lux. L’engagement du soliste est tel que le possible enfermement névrotique de la démarche compositionnelle est largement dépassé.

Avant que Hae-Sun Kang nous ensorcelle avec Anthème 2, George Benjamin joue ses propres Shadowlines (2001) au piano, orchestrant l’instrument avec une sensibilité toute ravélienne.

BB