Chroniques

par katy oberlé

Aida | Aïda
opéra de Giuseppe Verdi

Festival Verdi / Teatro Giuseppe Verdi, Busseto
- 16 octobre 2019
Reprise de l'Aida de Zeffirelli à Busseto, au Festival Verdi de Parme
© roberto ricci | teatro regio di parma

Après les trois belles premières soirées passées en compagnie d’I due Foscari, rareté qui mérite vraiment les honneurs de la scène, de Luisa Miller mis en scène par Lev Dodin dans une église désaffectée puis le Nabucco exceptionnel de Stefano Ricci et Gianni Forte, controversé, quelques journées de promenade dans les collines parmesanes et la lumière d’automne apportèrent le recul nécessaire pour aborder, ce mercredi soir, la quatrième production que le Festival Verdi présente dans son édition 2019. Non, je ne retourne pas au Teatro Regio, mais au Teatro Giuseppe Verdi de Busseto où chaque année la manifestation joue un opéra.

Pour redonner la mise en scène d’Aida spécialement réglée pour Busseto par Franco Zeffirelli en 2001, une équipe de jeunes chanteurs est conviée, en collaboration avec le cinquante-septième Concorso Internazionale Voci Verdiane. Entre ces nouvelles voix et d’autres déjà dans la carrière, dont certaines que nous avons pu apprécier ici ou là, l’œuvre est particulièrement bien servie. Le soprano Natalie Aroyan possède un instrument ample à la projection facile et très sonore qui fait merveille dans le rôle-titre, surtout dans le petit écrin de ce théâtre dont l’acoustique démultiplie l’impact naturel. On retrouve avec bonheur le ténor coréen Bum Joo Lee, très incisif, applaudi à Valence [lire notre chronique d’I masnadieri] en vaillant Radamès. Au baryton solide et nuancé d’Andrea Borghini revient le rôle du roi éthiopien, Amonasro, qu’il tient avec un grand sens musical [lire nos chronique d’Arabella, L’ange de feu, Mefistofele, Un ballo in maschera et Andrea Chénier]. Le roi d’Égypte est chanté par la basse Renzo Ran dont l’émission facile ne résonne pas si pleinement qu’il le faudrait, à l’inverse de la basse bien présente de Dongho Kim en Ramfis efficace. Le mezzo-soprano ukrainien Daria Cherniy est idéal en Amneris, avec un timbre qui donne le frisson.

À la tête des Orchestra e Coro del Teatro Comunale di Bologna, dont Alberto Malazzi est le chef de chœur, Michelangelo Mazza mène une fosse expressive, fluide et leste, dans une passionnante urgence dramatique. Le vivacité de l’interprétation naît bel et bien de son geste toujours très lisible.

N’était-ce pas folie, de la part de Franco Zeffirelli, de choisir Aida pour opéra à mettre en scène dans le petit théâtre d’à peine trois cents places, inauguré en 1868, pour sa réouverture officielle en 2001, lors du centenaire de la mort de Verdi ? Sans doute l’artiste s’est-il lancé un défi : comment représenter le vaste péplum égyptien sur une scène si courte ?... Eh bien, c’est réussi ! De même qu’elle avait tenu dans un fin volume d’Hergé, l’Égypte des pharaons et des pyramides tient, avec toutes ses idoles, dans ce mouchoir de poche, grâce à l’artifice et au métier, ici utilisé comme autrefois, avec une maestria admirable. Programmée il y a un an, cette reprise, conduite par Stefano Trespidi, se présente aujourd’hui comme un magnifique hommage au maître de l’illusion, disparu il y a tout juste quatre mois. Ainsi s’achève cette édition du Festival Verdi dont il faut saluer le sain éclectisme [lire nos chronique des 11, 12 et 13 octobre 2019].

KO