Chroniques

par laurent bergnach

Alain Altinoglu dirige l’Ensemble Intercontemporain
Pascal Dusapin | To be sung

Cité de la musique, Paris
- 7 avril 2009
Man Ray photographie Gertrude Stein devant son portrait peint par Picasso
© man ray

Programmé entre ceux de Ton Koopman et de Marianne Faithfull, l’unique Domaine privé de la saison dédié à un compositeur donne l’occasion de retrouver plusieurs pièces de Pascal Dusapin couvrant ses vingt dernières années de création, de la musique de chambre (Indeed, 1987 ; Trio Rombach, 1997 ; Sept études pour piano, 1999-2001) aux pièces symphoniques (Cycle des sept formes, 1992-2009) en passant par l’opéra. Quelques jours avant Passion, son ultime ouvrage créé à Aix-en-Provence l’an passé, voici To be sung, dont la conception date de 1988-89, alors que le compositeur résidait à New York. C’est là que la rencontre du plasticien James Turrell lui permet de poursuivre « une réflexion menée depuis plusieurs années : imaginer une scène constituée uniquement de lumière et proposer une plénitude nouvelle à la représentation. En quelque sorte dénuée de l’interprétation propre à la mise en scène ».

De la création au Théâtre des Amandiers (Nanterre), le 7 novembre 1994, on garde surtout le souvenir de lumières aveuglantes, ce que ne propose pas le dispositif scénique de Ludovic Lagarde. Si l’écran tendu derrière les trois pupitres de chant livre parfois un blanc cassé, c’est majoritairement le bleu nuit qui accompagne la musique, exceptionnellement un indigo de couchant ou un jaune estival (28 / The sun and shade a shade in the sun…).

En 1932, Gertrude Stein [photo devant son portrait par Picasso] publie A Lyrical Opera Made by Two, sous-titré to be sung (pour être chantés), à destination des musiciens. Ces textes aux directions sans cesse renouvelées s’avèrent un « assemblage de surfaces de sens et de plans de sons par juxtapositions et superpositions » qui ne peuvent que réjouir un compositeur soucieux de liberté et d’ouverture. Omniprésente, la voix off du récitant Geoffrey Carey ouvre et clôt le spectacle tandis que, chaudes et colorées, celles des trois sopranos – Claron McFadden, Claire Booth et Anna Stephany, en robes chamarrées conçues par Christian Lacroix – s’enchevêtrent et se répondent, réservant à l’expression de la passion (« kiss my lips » chuchotés, « kiss me » hurlés) de rares effets de contraste.

Les instruments confiés à sept membres de l’Ensemble Intercontemporain (flûte, flûte piccolo, hautbois, cor anglais, clarinettes, trompette en ut, trombone ténor basse, violoncelle et contrebasse) interviennent le plus souvent par touches intimistes, répondant au souhait du compositeur d’un « opéra de chambre à écouter tel un quatuor à cordes ». Le corps souple mais le geste musical assez raide, Alain Altinoglu dirige cette soirée.

LB