Chroniques

par bertrand bolognesi

All’improvviso
spectacle de l’ensemble L’Arpeggiata

Festival d'Ambronay / La Caravelle
- 17 septembre 2005
All’improvviso, spectacle de l’ensemble L’Arpeggiata avec invités
© hervé nègre

Il n'est pas si courant que des artistes imaginent de réunir leurs univers pour en créer un nouveau, fait de métissages qu'on aurait pu croire improbables. Pourtant, cet après-midi, à La Caravelle que ce premier concert inaugurait, c'est-à-dire le chapiteau dressé devant l'entrée de l'Abbaye d'Ambronay, l'ensemble L'Arpeggiata invitait le public à une surprenante promenade à travers une sorte de portrait des basses obstinées, celles des musiques populaires de la Méditerranée, de leur absorption par la tradition savante, de l'important socle qu'elles constituent dans le jazz.

Devant nous, un ensemble dévolu au répertoire baroque accompagne Lucilla Galeazzi, qui défend depuis près de trente ans la musique populaire italienne, d'une voix présente et attachante, qu'une énergie irrésistible anime à chaque instant. D'abord passionnée par le folklore de l'Ombrie, elle travaillera dès 1977 avec Giovanna Marini, puis Roberto De Simone avec lequel elle joue au Teatro San Carlo de Naples un Requiem per Pier Paolo Pasolini. Présente sur la scène lyonnaise dans les années quatre-vingt, Lucilla Galeazzi se produirait à Strasbourg en soliste avec l'Orchestre européen de Jazz, ce qui d'ailleurs n'exclura pas qu'elle chante les Folk Songs de Berio avec l'Orchestra di musica contemporanea dell'Umbria ou qu'elle honore le répertoire populaire lors d'une tournée de la Banda di Ruvo di Puglia. Ici, elle anime All'Improvviso – c'est le titre de ce programme qui voyage ici et là – d'une sensibilité et d'un humour délicieux.

Autre personnage convié à ce raout : le contreténor Philippe Jaroussky. Le jeune homme qu'on entend régulièrement dans Vivaldi ou Händel prête ici sa voix à une joute qui sait ménager ses moments de méditation dans une dramaturgie à la verve vive. Ainsi le retrouve-t-on assez naturellement dans Monteverdi... mais un Monteverdi accompagné à la contrebasse et que la sonorisation des lieux magnifie d'un halo incongru, de sorte que le chanteur pourrait bien s'y mouvoir en crooner plutôt qu'en chantre !

Enfin, le compositeur, saxophoniste et clarinettiste italien Gianluigi Trovesi est le troisième protagoniste de l'aventure. C'est également en 1977 qu'il crée son trio, tentant de rapprocher la pratique jazz de l'improvisation à la tradition populaire. Couronné de nombreux prix et distinctions, membre de plusieurs formations de jazz, le travail de Trovesi le mène à une carrière importante. La complicité qui le lie à Lucilla Galeazzi ne date pas d'hier, ce qui occasionne aujourd'hui des échanges précieux pour le public d'Ambronay.

Avec ce cocktail des plus réussis, Christina Pluhar nous fait entendre des accents de jazz sur théorbe et clavecin, transpose les madrigalistes tout en offrant aux canzonette les plus charmantes la grâce et le raffinement d'un accompagnement sur instruments anciens. On saluera l'excellence de la prestation de la percussionnisteMichele Claude à laquelle on doit un solo endiablé de zarb.

BB