Chroniques

par bertrand bolognesi

Andreï Korobeinikov, Valery Sokolov
soirée russe de l'Orchestre National de France

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 11 mars 2010
Dmitri Liss dirige l'ONF à Paris dans une programme 100% russe
© dr

C'est avec un sentiment mitigé que nous quittons l'avenue Montaigne, ce jeudi soir, après le concert très inégal qu'y dirigeait Dmitri Liss à la tête de l'Orchestre National de France. Son programme fort intéressant ne fut malheureusement pas servi au mieux, malgré l'excellence des musiciens et la participation de deux jeunes solistes talentueux.

Ainsi de la trop rare Kikimora (1909) d'Anatoli Liadov, ouverte par des contrebasses arrivant de loin, dans un grand mystère où se mêlaient les couleurs choisies des bois, en un climat fantastique bientôt maladroitement gâché par le tactus mécanique engagé dans la partie rapide, contredisant l'extrême souplesse des cordes du début. Certes, il y va d'une certaine détermination à nuire, dans cette légende Op.63, ce qui cependant n'induit pas que la musique ne respire plus.

Au piano, l'on retrouvait Andreï Korobeinikov servant en poète le Concerto pour piano et orchestre en fa # mineur Op.20 (1896-97) d'Alexandre Scriabine. Très phrasée, son entrée se fit dans l'inflexion toute recueillie de l'orchestre, un phrasé large à la sonorité délicatement veloutée, se développant en profondeur plutôt qu'à se durcir, lorsque s'affirme la véhémence de l'Allegro. Dans l'Andante central, la maturité de conception du soliste surprit, mais ne parvient pas à gagner la hauteur qu'elle souhaitait sans doute, le chef ne l'entendant assurément pas de la même façon. Le mouvement n'en sera pas moins conclu dans une fibre soyeuse à la lumière nettement définie. Virtuose comme si de rien n'était, Korobeinikov pense intensément l'Allegro moderato, se gardant de céder au brillant, luxueusement secondé par la vigueur des cuivres.

Autre soliste de vingt-quatre ans, l'Ukrainien Valery Sokolov donnait le Concerto pour violon et orchestre en sol mineur Op.63 n°2 (1935) de Sergueï Prokofiev – que le même Dmitri Liss dirigeait il y a trois semaines à Metz [lire notre chronique du 7 février 2010]. Si l'on goûta la générosité du son de ce violoniste, au service d'un lyrisme presque opulent, lespizz' de doubles-cordes qui viennent clore l'Allegro moderato n'ont pas satisfait. De même son jeu accusait-il quelques soucis d'intonation, dans l'Andante assai et plus encore dans le troisième épisode. L'orchestre parut lui-même « décrocher », pour ainsi dire, avec des approximations aux cuivres et des unissons douteux aux violoncelles. Au pupitre, Liss s'avérait lourd et sans esprit. Bref : on reste sur sa faim, là encore.

La soirée se finissait en fanfare avec le Capriccio italien en la majeur Op.45 (1880) de Piotr Tchaïkovski, un opus à ne pas compter dans ses impérissables, il faut l'avouer. Avec beaucoup d'éclat, le chef jouait ici la carte de la musique « de caractère », sans autre nuance, obtenant d’ailleurs un certain succès.

BB