Chroniques

par bertrand bolognesi

Chœur de la Trinité, Les Muses Galantes, Till Aly
Ludwig van Beethoven | Missa Solemnis Op.123

David Chaillou | Da Pacem Domine
Église de la Sainte Trinité, Paris
- 2 avril 2022
Missa Solemnis Op.123 de Beethoven en l'Église de la Sainte Trinité (Paris)
© dr

Créé il y a un quart de siècle sous l’impulsion de Dominique Rey, père de la paroisse, le Chœur de la Trinité fut tour à tour dirigé par Jean-Noël Briend, Fabrice Gregorutti et Olivier Frontière, avant que Till Aly assume cette charge, depuis l’automne 2014. On ne dira jamais assez l’importance des pratiques musicales amateures dans un paysage culturel où souvent sont oubliées les notions de partage, voire de plaisir. De fait, on sait à quel point l’expérience chorale, outre sa vertu rassembleuse, entretient un niveau de connaissance artistique qui fait clairement défaut en France, à l’inverse de ce que constaté dans les pays du Nord, en Allemagne et en Autriche, sans oublier les îles britanniques. Il ne s’agit point de prétendre rivaliser avec les formations professionnelles, non ; la réussite d’une telle aventure s’accomplit diversement, et si l’ambition de programmer certaines grandes pages du répertoire peut paraître un peu folle, osons dire que sans ces gentilles folies-là personne ne ferait rien. Partenaire de l’ensemble précité, Les Muses Galantes concentre son activité sur la musique des XVIIe et XVIIIe siècle, et plus particulièrement sur celle de Johann Sebastian Bach et de ses contemporains.

Spécialement destiné au Chœur de la Trinité, Da pacem Domine de David Chaillou est donné ce soir en première mondiale. En prenant habilement en considération l’acoustique particulière de l’Église de la Sainte Trinité, le compositeur développe sur une douzaine de minutes deux versets bibliques dans une esthétique héritière, de loin en loin, de Duruflé, où se mêlent quelques embryonnaires tintinnabuli. Une partie solistique se détache du groupe, servie par le lyrisme généreux de Sabine Revault d’Allonnes.

Après ce prélude, c’est à la Missa Solemnis en ré majeur Op.123 de Ludwig van Beethoven de retentir sous la voûte. Un quatuor vocal efficace est ici réuni, dont on apprécie, dès le Kyrie, le chant bien mené d’Artavazd Sargsyan, ténor clair et sainement incisif, régulièrement salué dans nos colonnes [lire nos chroniques de L’ivrogne corrigé, Uthal, La reine de Chypre, Proserpine, Le tribut de Zamora et La dame de pique], ainsi que l’ample velours du baryton-basse Jiwon Song. Les fulgurances de Sabine Revault d’Allonnes s’affirment plus encore dans le Gloria, laissant admirer l’égalité du timbre sur l’ensemble du registre. Longue, la voix bénéficie d’une idéale gestion du souffle [lire notre chronique de Don César de Bazan]. Venue remplacer Blandine Staskewitsch en dernière minute, le mezzo Ariana Vadafari trouve peu à peu ses marques. Après un Credo dont le lieu ne rend pas entièrement compte, puis le si profondément triste Sanctus beethovénien, dont flamboie l’Hosanna, Martin Reimann livre joliment le solo de violon du Benedictus. Et Jiwon Song d’affirmer une nouvelle fois la souple tendresse de son timbre, tout récemment applaudi à Saint-Étienne [lire notre chronique d’Hamlet], confirmée par la délicatesse obombrée de l’inflexion dans l’Agnus Dei. Une vague de froid s’est abattue depuis quelques jours sur Paris ; gageons que cette soirée aura réchauffé le public.

BB