Chroniques

par gérard corneloup

Concert Délice
par l’Orchestre national de Lyon et les Toques blanches lyonnaises

Auditorium Maurice Ravel, Lyon
- 26 mars 2009
Concert Délice, par l'ONL et les Toques blanches lyonnais
© michelangelo merisi da caravaggio

Depuis qu'en 1935, le critique culinaire Maurice Curnonsky, lui-même qualifié de « prince des gastronomes », sacrait carrément Lyon capitale mondiale de la gastronomie, la cité rhodanienne porte bien haut les couleurs des arts de la table. En 2007, à l'initiative de la municipalité lyonnaise, a même été mis en place un Réseau des villes gourmandes du monde, baptisé en toute simplicité Délice, qui regroupe aujourd'hui dix-sept membres, avant tout européens, mais aussi, à l'occasion, asiatiques ou américains.

Or, la ville de Lyon porte également, tout aussi fièrement, les couleurs de l'art musical, depuis la Maison et la Biennale de la Danse jusqu'à son Festival de musique ancienne ; de ses deux conservatoires à ses deux orchestres, le premier attaché à l'Opéra national, le second aussi indépendant que bien portant, dans les locaux de son Auditorium où il défend le grand répertoire symphonique, mais aussi la musique de chambre, les concerts scolaires, etc.

Du coup, l'autorité municipale lyonnaise avait décidé de conjuguer ces deux vocations, somme toute assez complémentaires, et pas seulement depuis le tournedos Rossini, à travers une soirée de prestige ou plus exactement événementielle, pour reprendre un terme décidément à la mode quant à la culture lyonnaise, soirée regroupant à l'Auditorium Maurice Ravel quelques mille sept cents auditeurs, tant des particuliers que des invités d'entreprises locales. Il est vrai que la soirée comprenait une première partie (partiellement) musicale et une seconde (délibérément) alimentaire…

Placée sous le parrainage de l'incontournable Paul Bocuse, ce Concert Délice avait été concocté à la fois par le maestro Jun Märkl et les musiciens de l'Orchestre national de Lyon côté musique et par quatre chefs appartenant au cercle très fermé des Toques blanches lyonnaises coté gastronomie : Jean-Paul Lacombe, Guy Lassausaie, Christophe Margin et Mathieu Vianney, auxquels vinrent se joindre, plus singulièrement, un chef cantonais en visite, Chen Pinghui. Pour des raisons restées absconses à de nombreux spectateurs, tous étaient présentés par un inspecteur de police pour rire – ici le comédien Jean-Marc Avocat – à qui avaient été donnés non pas les traits du commissaire Maigret mais ceux du fameux Colombo, star des séries de la tv américaine. Entre toutes ces paroles agrémentées de projections, la musique occupaient sa place tant bien que mal, à travers des partitions plaisantes et charmeuses débitées en tranche : ici un mouvement de la Quatrième symphonie de Mendelssohn ; là deux extraits de L'Amour des Trois oranges de Prokofiev ; plus tard le fameux Vol du bourdon tout droit sorti du Tsar Saltan de Rimski-Korsakov ou une des Estampes de Claude Debussy. Une création mondiale était même offerte en dessert : celle de Délice, pièce composée et interprétée par trois percussionnistes de l'ONL, jouant avec adresse et humour sur casseroles, avec recours au mixeur obligé et à la centrifugeuse en basse continue.

La soirée s'achevait par la ruée des mélomanes d'un soir sur les divers buffets concoctés par les chefs… de cuisine, où le bruit de mandibules pressées et affamées remplaçait les mélodies d'un Respighi et d'un Tchaïkovski.

GC