Chroniques

par bertrand bolognesi

création de Versuchung de Wolfgang Rihm

Musica / Cité de la musique et de la danse, Strasbourg
- 1er octobre 2009
© max beckmann

Certains choix de distribution demeurent énigmatiques… Certes, on ne peut pas savoir toujours tout à l’avance avant d’essayer, objectera-t-on. Formation de chambre constituée depuis six ans qui semble s’être donné pour mission d’explorer des répertoires rares, délaissés, oubliés, ou plus simplement contemporains, français, le plus souvent, Les Siècles, qui s’interroge assez pertinemment sur les instruments à pratiquer pour tel compositeur, n’aura pas paru à même d’offrir une exécution digne aux œuvres programmées ce soir. C’est fâcheux : l’on sait trop le ressenti qu’une interprétation malheureuse imprime au souvenir d’une première écoute.

Si la réalisation de Si près, si loin (d’une fantaisie), écrit par Bruno Mantovani en 2006, bénéficie de certaines qualités – comme l’ultra-définition des timbres, par exemple, ou la stimulante plasticité des impacts à laquelle participe, bien sûr, la géographie de plateau imaginée par le compositeur -, la suite du concert fait déchanter l’oreille. Rien de bien grave lorsqu’il s’agit de donner des pièces anciennes, sinon vraiment connues, qui plus est peu intéressantes, comme l’indigent Mosaïques de Maresz (1992, révision de 1994) ou encore Trame VIII de Matalon (2008), un gentil petit réveil soporifique comme il en garde le secret de fabrication. Mais une partition jouée en création mondiale, commandée par Musica, qui plus est, mérite mieux. Jamais autant qu’ici ne nous aura fait goûter tout son sens le mot malentendu.

Après Monodram, Styx und Lethe et Konzert in einem Satz, Wolfgang Rihm livre une nouvelle œuvre pour violoncelle et orchestre, Versuchung, conçue comme un hommage à max beckmann [illustration : Autoportrait au cor]. Après un bondissant coup d’envoi soliste accompagné par les contrebasses et la harpe s’impose une sorte de déploration, sombre comme les noirs, gris et rouges brûlés souvent utilisés par le peintre allemand, convoquant bientôt tous les instruments graves de l’orchestre, des calmes jeux de relais des violoncelles aux sinuosités du contrebasson, passant par les doux appels du tuba ou les mâles accents de la clarinette basse. Poindra bientôt ce lyrisme particulier, délicat et retenu, de Ländler, par exemple (pour treize cordes, d’après une première version pour piano), page trentenaire, qui va se raréfiant, ici aussi, si proche soudain peu à peu des faces exsangues qui hantent les dernières toiles de Beckmann. Et, de même que Ländler, Versuchung ose une vibration à l’ancienne, pour ainsi dire, presque romantique. Certes, l’on se prend à rêver l’œuvre sous une main gauche plus exacte dans l’aigu – la maladie des violoncellistes se fait de plus en plus présente dans le jeu de Sonia Wieder-Atherton –, mais l’imagination ne suffit guère à masquer la désastreuse prestation, toute approximation, des Siècles que dirige François-Xavier Roth.

BB