Chroniques

par marc develey

Daniele Gatti dirige la Staatskapelle Dresden
œuvres de Richard Strauss et de Gustav Mahler

Palais de la musique et des congrès, Strasbourg
- 21 janvier 2006
Daniele Gatti joue Mahler et Strauss avec le Dresdner Staatskapelle Orchester
© dr

Sous la direction de Daniele Gatti, le Dresdner Staatskapelle Orchester offre deux œuvres du XIXe siècle tardif : de Richard Strauss, Tod und Verklärung (Mort et Transfiguration, 1889) et, de Gustav Mahler, la Symphonie en sol majeur n°4 (1899-1900). Rendre compte de cette soirée ne sera pas un exercice facile : nous fûmes touchés, certes, mais le mot reste bien faible, ainsi que tout ceux qui pourraient suivre. Nous nous contenterons donc de quelques indications.

Ne nous attardons pas sur les qualités sonores de la formation. Les pupitres sont tous excellents, particulièrement les bois – nous songeons entre autres aux soli du hautbois en ouverture de Tod und Verklärung ou dans l'élégie du troisième mouvement de la Quatrième. La dynamique est impressionnante, des plus subtils pianissimi jusqu'à la profondeur de souffle des grands tutti. L'unité d'ensemble, enfin, la richesse des couleurs et la variété des styles dans lesquels peut se glisser l'orchestre, en font un instrument que tout chef devrait rêver de diriger.

Ainsi faut-il créditer Daniele Gatti d'avoir su réveiller les évocations dont Strauss sous-tend sa musique. Râles du mourant, stridences de la douleur, raclements rauques de la toux : le matériau thématique, broyé dans les tutti fulgurants, ne subsiste qu'à l'état de traces, pauvres résidus d'une conscience qui lutte pour ne pas disparaître déjà. Les moires des souvenirs libérés à l'approche du trépas, soutenues en limite de son par les aigus des violons et portées par la tendresse des vents, nous valent de partir bien loin de la salle de concert. La transfiguration finale, enfin, et l'ultime illumination, sont délivrés non sans retenue, paradoxale et bienvenue dans une partition dont on ne saurait dire qu'elle fait excès de sobriété.

La Symphonie n°4 est un éblouissement.
L'interprétation se veut résolument chambriste. Très tirées, les attaques donnent au son une tenue portant l'articulation jusqu'au cœur de la note. La subtilité des nuances rend évident le glissement les uns sur les autres de plans sonores tous parfaitement repérables. On peut sans doute regretter l'émission un peu trop directionnelle de Ruth Ziesak dont le timbre élégant, la belle diction et l'intégration dans l'orchestre contribuent pourtant à la saveur du dernier numéro de l'œuvre – Das himmlische Leben. Oscillant entre élégance et ironie (danse du premier mouvement et excellent solo du violon désaccordé dans le deuxième), entre mystère et violence (entrée harpe-hautbois du final et fortissimo du tutti en fin de phrases du Lied), la partition est traitée en demi-teintes et, de bout en bout, avec une retenue rare, ce qui la laisse entendre comme jamais. Soirée-miracle.

MD