Chroniques

par bertrand bolognesi

Der fliegende holländer | Le vaisseau fantôme
opéra de Richard Wagner, mis en espace

Opéra de Rouen
- 6 février 2007
© giuseppe tivoli | museo civico di bologna

Plutôt que de se lancer dans une nouvelle production trop lourdement dispendieuse que sa trésorerie n’eut pu assumer, plutôt que de s’en tenir à une version concertante où assister à la semi histrionisation des pingouins, l’Opéra de Rouen opte pour la mise en espace de l’ouvrage de Wagner. La réalisation, présentée dimanche et ce soir au Théâtre des Arts, reprise au Havre jeudi (Le Volcan) et samedi à Paris (Salle Pleyel), utilise ingénieusement les moyens qu’impose le dispositif : l’orchestre occupe le plateau et les personnages évoluent devant et autour de lui comme en un décor, sur cet océan omniprésent dans la partition. La maison fait bien les choses en confiant ce travail au metteur en scène Alain Garichot qui concentre son approche sur l’intention dramatique, avec précision, de sorte que le public va droit à l’essentiel.

Une distribution largement satisfaisante est réunie.
Le Daland de Patrick Simper s’avère en grande intelligence avec le texte qu’il magnifie par un registre grave toujours soigneusement abordé par le haut. Anne Salvan est une Mary à la bienveillante autorité dont la couleur charme l’écoute. Peter Bronder donne un Erik passionné à l’impact efficace, rendant palpitant son duo avec Senta. Seule erreur de casting : trop léger, le ténor James Oxley n’est vraiment pas à sa place en Steuermann. Enfin, l’enchantement vient du couple que forme le maudit et sa rédemptrice. Manon Feubel se révèle une Senta magnifique, par la plénitude du timbre, l’égalité de l’impact, la chair de la pâte vocale, la facilité de l’émission, l’évidence de la projection, le charisme de la couleur et l’expressivité toujours magistralement contrôlée. Au long regard suspendu de la rencontre de l’Acte II succède une merveille de duetto. Après un début subtilement nuancé, la voix de Matthew Best remplit bientôt l’espace, livrant à l’Hollandais l’idéale noirceur d’un timbre corsé.

Pourtant, l’émotion n’est pas au rendez-vous.
Cet océan où croisent bateaux marchands et vaisseau fantôme se déchaîne dans la partition d’orchestre. On comprend d’autant moins le parti pris d’Oswald Sallaberger, à la tête des musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen. Sa lecture est laborieuse, les ensembles, piqués au crochet métronomique, manquant cruellement de tension dramatique. Les figuralismes sont tristement noyés dans une mise en place sans relief qui ne fait pas les bons choix. Bref : le chef ne profite pas du matériau et n’a strictement rien à nous dire.

BB