Chroniques

par françois cavaillès

Elina Kuperman joue L’Arbre des songes
Orchestre de Limoges et du Limousin, Robert Tuohy

œuvres de Berlioz, Debussy/Mattews et Dutilleux
Opéra de Limoges
- 26 avril 2016
à Limoges, Elina Kuperman joue L’Arbre des songes d'Henri Dutilleux
© dr

En préambule à cette soirée de musique française, une heure avant l'entame, le chef permanent de l'Orchestre de Limoges et du Limousin, Robert Tuohy, offre gracieusement une présentation orale du programme, dans la tradition nord-américaine de ses origines. Il s’agit presque d’une discussion à bâtons rompus, mais instructive et sincère, qui justifie le choix de l'œuvre principale au menu du jour, L'Arbre des songes (1985), concerto pour violon d’Henri Dutilleux [photo], par la présence au sein de l'orchestre limougeaud de la super-soliste Elina Kuperman.

En effet, membre depuis une quinzaine d'années de la formation régionale, la souriante, jeune artiste d'origine ukrainienne connaît déjà bien la maison. Également musicienne chambriste, elle enseigne depuis peu au conservatoire voisin, à des élèves en bas âge, ados ou jeunes adultes, débutants compris. Sa réussite ressemble à s'y méprendre à un modèle d'honnêteté et de satisfaction altruiste.

Grimpons donc avec la musicienne dans L'Arbre des songes, nouvelle référence du genre, dirait-on, conquis par son inventivité, ses fascinants jeux de miroir et son beau mystère, en quatre mouvements et trois interludes. Tout commence par un monologue intérieur, superbe réflexion sur soi, les phrases de violon se détachant clairement de l'orchestre, dans l'alternance et même dans la superposition (Librement). S'ensuivent une sorte de brève danse tribale (Vif) puis un nocturne (Lent), enfin un retour créatif aux racines de cet arbre d'un autre siècle – le prochain. Parfois électrique et souvent d'un lyrisme serein, le jeu d'Elina Kuperman paraît complètement au service du drame étrange inventé par Dutilleux, dans un son plein, original mais encore relativement sobre.

On ressent cette même dignité à faire de la musique aux bons soins du public et du compositeur, dans un acte de bonté culturel vivant, à travers la direction de Robert Tuohy, très habile et soucieuse de la qualité des textures, de manière évidente dans la Symphonie fantastique Op.14 d’Hector Berlioz (1830). Le voyage aux forts parfums romantiques de cet Épisode de la vie d’un artiste est redécouvert avec grand plaisir par un public comblé.

Déjà le tout début de la soirée l’avait régalé avec Claude Debussy et deux de ses préludes pour piano, Feuilles mortes et Ce qu’a vu le vent d’ouest, joués dans l’orchestration de Colin Matthews (2001). Après Moussorgski, Mozart, Beethoven et Purcell, le compositeur britannique (né en 1946) s’engageait dès 1998 dans un vaste projet Debussy aves Trois poèmes de Mallarmé, se poursuivant par lesdits préludes (auxquels il faut ajouter Feux d’artifice), puis Les tierces alternées et Canope (2002),Minstrels, Les fées sont d’exquises danseuses, La sérénade interrompue, La puerta del vino, Danse de Puck, Des pas sur la neige (2003), Ondine, Danseuses de Delphes (2004), Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir, Le vent dans la plaine, La fille aux cheveux de lin, Brouillards (2005), La cathédrale engloutie, Voiles, Les collines d’Anacapri (2006), etc. Après la porcelaine et le basket, Limoges a trouvé de nouveaux fleurons en son opéra et son orchestre.

FC