Chroniques

par michel slama

Ernest Chausson | La Légende de Sainte Cécile Op.22
Maîtrise Notre-Dame de Paris, Chœur d’enfants, Émilie Fleury

Orchestre de la Garde Républicaine, Sébastien Billard
Musique sacrée à Notre-Dame / Cathédrale Notre-Dame, Paris
- 22 novembre 2016
à Notre-Dame de Paris : La Légende de Sainte Cécile Op.22 d’Ernest Chausson
© michel slama

Les concerts de Musique sacrée à Notre-Dame de Paris ont souhaité célébrer dignement Cécile de Rome, la sainte patronne des musiciens, compositeurs, luthiers et poètes. L’association a donc inscrit au programme de ce soir une anthologie de diverses œuvres rares, à caractère religieux, du tournant du XXe français.

Pour commencer, l’Orchestre de la Garde Républicaine, en formation chambriste, propose le Prélude du Déluge Op.45, oratorio biblique de Camille Saint-Saëns (1876). La réverbération de la cathédrale ne rend pas justice à cette pièce assez ordinaire paraissant encore plus insignifiante privée de l’exécution complète des trois parties qui la composent. Dès le Panis angelicus d’André Caplet (1919), la Maîtrise Notre-Dame de Paris et son Chœur d’enfants captivent l’auditoire par l’ineffabilité de la pureté et de la grâce de cet hymne liturgique de Saint Thomas d’Aquin. Mais si belle soit-elle, cette œuvre n’a jamais égalé la notoriété du Panis très opératique de César Franck (dans la Messe Op.12), tube des ténors. Caplet, qui est presque complètement oublié aujourd’hui, fut un compositeur et chef d’orchestre ami et collaborateur de Claude Debussy dont il arrangea un certain nombre des œuvres. La postérité le considéra à tort comme son simple épigone [lire nos chroniques du 3 février 2013 et du 18 avril 2009, ainsi que notre critique CD du Masque de la mort rouge].

Le Pie Jesu de Lili Boulanger est un hommage particulièrement poignant à celui du Requiem Op.48 de son professeur et ami Gabriel Fauré. Dicté en 1918 à sa célèbre sœur Nadia par la jeune musicienne âgée de vingt-quatre ans sur son lit de mort, cette partition sombre exprime à la fois la tragédie de la guerre, les souffrances de la maladie inexorable de la malheureuse et la confiance en un paradis d’apaisement. Pour clore cette première partie, le Septuor de Caplet, donné brillamment, est un œuvre particulièrement originale qu’il convient de redécouvrir. Ce soir, l’effectif ne correspond pas à un septuor à proprement parler, puisqu’il est constitué d’un quatuor à cordes (issu de l’orchestre) et de trente choristes – l’original de 1909 est pour quatuor à cordes et trois voix féminines. D’une durée d’une demi-heure, cet opus à caractère religieux mais sans texte offre un camaïeu impressionniste de sonorités qui font inévitablement penser au Quatuor à cordes en sol mineur de Debussy et à Daphnis et Chloé de Ravel, avec l’intervention répétée du chœur.

En seconde partie, les interprètes donnent La Légende de Sainte Cécile Op.22 d’Ernest Chausson, page injustement oubliée, rarement jouée et à laquelle un enregistrement de l’Ensemble Orchestral de Paris (l’actuel Orchestre de Chambre de Paris), dirigé par Jean-Jacques Kantorow rend justice. Elle est pourtant riche, solide, possède de magnifiques accents mystiques et célestes, amplifiés par l’utilisation d’un célesta. Le sublime solo du violoncelle à l’Acte II restera dans toutes les mémoires. Jugée durement à sa création en 1892, la Légende déplut pour son inspiration trop romantique et désuète et surtout, en ces temps de mobilisation antigermanique, beaucoup trop wagnérienne. Globalement, la lecture de cette soirée est un enchantement et déclenche une ovation bien méritée d’un auditoire curieux, venu en nombre, et finalement charmé. On regrettera un célesta un peu inaudible en raison de l’acoustique très particulière du lieu. Noyé au milieu des flots musicaux de La Légende de Sainte Cécile, ses interventions perdent de leur intérêt. En revanche, Laurence Poudroux sait émouvoir dans le rôle de la sainte et séduire par une voix tendre et angélique.

Bravo à Yves Castagnet à l’orgue et au célesta, au capitaine Émilie Fleury qui dirigé le chœur dans les pièces vocales de la première partie, au lieutenant-colonel Sébastien Billard, chef adjoint de l’Orchestre de la Garde républicaine et, bien évidemment, à la belle tenue de ses instrumentistes, ainsi qu’aux ensembles vocaux cités.

MS