Chroniques

par françois jestin

Gala Flaubert – Constantin Trinks dirige l’Orchestre national de Metz
œuvres de Berlioz, Bonis, Erlanger, Schmitt et Strauss

Festival Berlioz / Château Louis XI, La-Côte-Saint-André
- 20 août 2021
 Constantin Trinks dirige l’Orchestre national de Metz au Festival Berlioz 2021
© bruno moussier

Comme l’attestent plusieurs lettres, l’admiration entre Gustave Flaubert et Hector Berlioz était réciproque, et le festival consacré au compositeur natif de La-Côte-Saint-André a programmé une soirée de Gala Flaubert pour rendre hommage à l’auteur dont on célèbre cette année le bicentenaire de la naissance (1821-1880). C’est l’Orchestre national de Metz qui prend place sur la scène de la cour du Château Louis XI, sous la direction de Constantin Trinks [lire nos chroniques de Tannhäuser à Strasbourg et à Francfort, de Das Liebesverbot, Salome et L’ange de feu] – et non, comme initialement annoncé, de David Reiland, le directeur artistique et musical de la formation étant actuellement retenu pour raisons de quarantaine au cours de sa tournée au Japon. Le programme s’articule autour de certaines des grandes figures de l’opus flaubertien – Salammbô, Hérodiade, Cléopâtre en tête – et convoque des compositeurs plus ou moins connus.

C’est la suite symphonique La chasse fantastique (1894) du rare Camille Erlanger (1863-1919) qui ouvre les débats, inspirée de La légende de Saint Julien l’Hospitalier, deuxième des Trois contes de Flaubert. L’ambiance y est d’abord mystérieuse, puis on entend distinctement plusieurs séquences de course, ou de chasse comme indiquée par le titre, qui peuvent rappeler L’Apprenti sorcier de Paul Dukas (1897). L’orchestre se montre précis et brillant sous la battue de Trinks dont la gestique est particulièrement ample, mais les fins de course sont systématiquement conclues avec des coups de grosse caisse et cymbales – à vrai dire, il est extrêmement rare d’entendre une partition où la grosse caisse est autant sollicitée, cette surenchère de décibels donnant rapidement un caractère grandiloquent et univoque à la musique.

On lui préfère Le songe de Cléopâtre Op.180 de Mel Bonis (1858-1937), extrait de la suite symphonique Trois femmes de légende (ca. 1914-1918), à l’atmosphère exotique, presque recueillie avec les harpes et les bois subtils, par moments arabisante sur fond de cor anglais. Les solistes et les différents pupitres font un sans-faute, y compris les cors que l’on sait instruments parfois capricieux. Les mélodies séduisent. L’orchestration est variée et riche.

Vient ensuite le sommet attendu de la soirée, unique ouvrage chanté, La mort de Cléopâtre (1829) de Berlioz, interprétée par Véronique Gens. On connaît par cœur le soprano français dans cette cantate – pour l’avoir écouté de nombreuses fois au disque – et l’on se délecte à l’avance du plaisir que l’on ressentira sur le vif… mais le scénario ne se déroule pas comme attendu. Ce sont d’abord les discussions et rires sonores des habitants alentour qui polluent les moments de silence et de quasi-silence, gênant évidemment l’écoute des auditeurs mais aussi la concentration des artistes. Et puis, peut-être sur la lancée du précédent Erlanger, le chef couvre très régulièrement la soliste par le flot instrumental. La partie grave du registre sonne trop souvent de manière sourde et plusieurs mots deviennent inaudibles, même au cours de la méditation Grands Pharaons, nobles Lagides. Ceci est bien dommage, car l’on goûte trop rarement à la diction admirablement ciselée de Véronique Gens. C’est le cas, par exemple, de Dieux du Nil, mais il aurait été souhaitable d’équilibrer la balance entre pâte orchestrale et chant.

Après l’entracte, la première suite de Salammbô Op.76 du Lorrain Florent Schmitt plante dans ses mesures initiales un décor sombre et pesant, avant de développer davantage de brillant pour évoluer, là encore, vers la démonstration. L’avantage est, certes, que la gêne sonore du voisinage s’en trouve à présent couverte. Les qualités de l’Orchestre national de Metz ne sont pas à mettre en doute. On apprécie en particulier les difficiles et rapides soli de la clarinette et du hautbois. Les rythmes deviennent parfois plus dansants, et les changements et cassures de tempo sont impeccablement suivis par la phalange, dans une cohérence sans faille.

Les scènes de ballet d’Hérodiade (1881-1883) de Jules Massenet sont, évidemment, encore plus dansantes, avec diverses pulsations suivant les passages. Les cordes développent par instants une très large ampleur, de beaux et généreux unissons. Pour terminer tout en restant dans l’exotisme, la Danse des sept voiles de Salome, l’opéra de Richard Strauss, donne l’occasion aux musiciens de jouer sur une large gamme de nuances, entre les soli du hautbois – vraiment excellent ! –, la majesté des cordes et le final où les cuivres étincellent. Aucun bis n’est accordé, malgré des applaudissements nourris et répétés.

FJ