Chroniques

par bertrand bolognesi

hommage à Fausto Romitelli
session de composition

Abbaye de Royaumont
- 11 septembre 2005
la pelouse du cloître de l'Abbaye de Royaumont, par Bertrand Bolognesi
© bertrand bolognesi

Fausto Romitelli (1963-2004) reprochait au milieu de la musique contemporaine son académisme fermé. Il a cultivé des amitiés et admiré les compositeurs qui lui paraissaient être sortis du formalisme de l’après-guerre. Voici la seconde partie de l’hommage que tenait à lui rendre les acteurs de la saison musicale de Royaumont, lieu qui l’accueillit en tant qu’enseignant il y a deux ans, un hommage qui se fait également à l’occasion des parutions d’un CD/DVD d’An Index of Metals sous le label belge Cyprès, et de Le corps électrique, un livre quasiment « téléguidé » par Romitelli lui-même avec une volonté de fer, et édité chez L’Harmattan pour L’Itinéraire par Daniel Cohen-Levinas.

Dès 1995, En transe marquerait le public, Romitelli y demandant à la soliste de chanter en inspirant et expirant, ce qui lui fait tourner la tête. Il affirmerait avec de plus en plus de radicalité une philosophie du « son sale », inspiré de l’éclosion musicale pop des années soixante-dix, sensible dans le cycle Professor Bad Trip. Grand orchestrateur, le compositeur italien semblait alors vouloir marier l’héritage de la musique spectrale – Dufourt, qui le considérait comme un personnage pasolinien, avait été un modèle pour lui – avec le rock, deux pratiques basées sur les empilements. Avec Riccardo Nova, son complice de l’ensemble Nuove Sincronie, il élabora des programmes mêlant musique contemporaine et techno, liant les conceptions savantes à des musiques non-écrites. L’interférence avec l’héritage des sons de l’Europe psychédélique est venue plus tard, après intégration des travaux de Dufourt (sur le temps), de Levinas (sur l’hybridation) et de Grisey, faisant éclore vers 1996 une personnalité musicale unique.

Le concert de cet après-midi s’ouvre avec la création d’Action Painting (pour quinze instruments) de Raphaël Cendo, commençant par une déferlante au piano préparé que rejoignent sans tarder les percussions. Tout en développant un travail sur la saturation des sons, le compositeur suggère tant Miles Davies qu’Edgar Varèse. Le sentiment général sera d’être comme projeté dans l’émission même du son. On observe avec plaisir l’éclosion d’une nouvelle génération de musiciens, affranchis des maîtres et de leurs formes, osant plus, avec un geste expressif libre, une démarche active. Né en 1975, Cendo a étudié auprès d’Yoshihisa Taïra, Alain Gaussin, Brian Ferneyhough, Marco Stroppa et Fausto Romitelli, bien sûr. On retrouvera sa musique en décembre, lors des concerts Tremplin de l’Ircam.

Moins convaincante se révèle l’œuvre de Julien Bilodeau, né à Québec en 1974 – signalons au passage que Bilodeau est lui aussi guitariste, comme de plus en plus de jeunes compositeurs. KrOniKs_04 (à la mémoire de Fausto Romitelli) use d’une matière profuse dans laquelle l’auteur ne parvient pas à frayer un chemin à sa pensée. Il ne s’agit pas d’attendre une structure confortable ou une forme décelable ; simplement, nous croyons qu’il est parfois nécessaire de savoir renoncer à ceci pour clarifier cela. Enfin, les musiciens de l’ensemble L’Itinéraire, placés sous la direction de Mark Foster,donnent le complexe Cupio Dissolvi de Romitelli.

BB