Chroniques

par irma foletti

Il barbiere di Siviglia | Le barbier de Séville
opéra de Gioachino Rossini

Rossini Opera Festival / Adriatic Arena, Pesaro
- 13 août 2018
À Pesaro, Yves Abel joue Il barbiere di Siviglia (1816) de Gioachino Rossini
© studio amati bacciardi

Pier Luigi Pizzi est un fidèle du Rossini Opera Festival (ROF). Présent à Pesaro dès 1982 pour Tancredi, il revint régulièrement depuis, avec toutefois une pause entre 2004 et 2017. Ses réalisations ont porté essentiellement sur le répertoire serio du compositeur, et c’est la première fois qu’il se confrontait – comme il l’a indiqué dans une interview au Barbiere di Siviglia. On reconnaît dès l’ouverture du rideau la signature du metteur en scène et décorateur, un fond d’un blanc immaculé, des façades avec balcon sur chaque côté, les silhouettes des musiciens, jouant pour Almaviva, habillés de noir, qui se détachent avec élégance sur ce mur. L’ambiance évoque davantage Le nozze mozartiennes que la commedia de Rossini, comme lorsque le comte et Figaro prennent le thé à l’ombre d’un balcon.

Devant l’orchestre, un proscenium permet aux personnages de venir au plus près du public, le plus souvent à l’occasion de la conclusion des morceaux. Le décor se déploie ensuite transversalement pour figurer l’intérieur de la maison de Bartolo, un vélum tendu à l’étage. On y amène des meubles laissés sous la protection de draps blancs, un peu ce soir comme l’humour et le caractère buffo du Barbiere, étouffés par l’élégance, la somptuosité de la scénographie. Pendant son air de La calunnia, Basilio donne à Bartolo des tranches de ciauscolo (le saucisson local), comme des hosties, mais le débouchage de la bouteille de spumante est malheureusement anticipé d’une à deux secondes par rapport aux paroles « come un colpo di cannone ». Tout cela est tout de même bien sérieux, et le public ne commence à pouffer que sur le final du premier acte, lorsque Bartolo est immobile « come una statua ».

Les choses changent assez radicalement au second acte, le cadre de scène est fortement resserré en occultant les côtés, et la vis comica des personnages et des situations fonctionnent alors bien mieux. Almaviva, déguisé en Don Alonso, le faux professeur de musique, marche avec des chaussures aux genoux, jambes repliées. Avec sa petite taille, il s’accroche aux habits de Bartolo, déclenchant cette fois de francs rires ou sourires dans l’auditoire.

Au sein de la distribution vocale, on remarque d’abord l’Almaviva de Maxim Mironov, doué d’un grand abattage pour ses vocalises, en particulier dans le très long air final Cessa di più resistere. Il a très sensiblement élargi son instrument ces dernières années. On se souvient de l’avoir entendu, par exemple, dans ce même rôle à Toulon en 2008 : la voix était celle d’un tenorino, alors qu’aujourd’hui elle porte sans problème. Davide Luciano (Figaro) est robuste dans son air d’entrée, plus nuancé par la suite, même si la souplesse vocale est limitée, alors que l’acteur est très à l’aise en scène. Aya Wakizono (Rosina) se montre beaucoup plus épanouie dans l’aigu que dans le registre grave, toujours très virtuose dans les passages d’agilité qu’elle transpose souvent vers le haut, une meilleure zone de confort pour elle [lire notre chronique du 14 août 2017]. Pietro Spagnoli, solide vocalement, dessine un Bartolo moins bouffe que d’ordinaire, plus pédant sans doute lorsqu’il accentue ses R à la française, aussi bien dans les récitatifs que pendant les airs [lire nos chroniques des 17 mai et 16 février 2016, du 8 mars 2011 et du 13 septembre 2010]. Michele Pertusi (Basilio) est encore plus sonore et homogène sur toute l’étendue de sa tessiture, autoritaire dès sa Calunnia et drôle surtout au second acte [lire nos chroniques de Don Pasquale, Norma et Semiramide]. Dans le rôle de Berta, on retrouve Elena Zilio [lire notre chronique du 28 juillet 2017], aux moyens certes usés aujourd’hui, mais surtout de retour au ROF après sa participation à la Gazza ladra en 1981 (elle y était distribuée dans le rôle de Pippo).

Enfin, l’on apprécie la direction musicale d’Yves Abel. Aux commandes de l’Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI, il sait varier effets, nuances et rythmes, maintenir l’intérêt sans heurter les oreilles. Le chef a tout de même la tendance systématique à accélérer les conclusions des airs, duos ou ensembles, mais montre une attention permanente aux solistes, tandis que les choristes du Coro del Teatro Ventidio Basso remplissent leur office avec enthousiasme.

IF