Chroniques

par bertrand bolognesi

intégrale Jean Sibelius, 3 et 4
Symphonies Op.43 n°2, Op.63 n°4 et Op.105 n°7

Los Angeles Philharmonic dirigé par Esa-Pekka Salonen
Salle Pleyel, Paris
- 6 et 8 novembre 2007
le compositeur finlandais Jean Sibelius photographié par Yousuf Karsh en 1945
© yousuf karsh, 1945

Le passionnant parcours proposé par la salle Pleyel se conclut par deux soirées durant lesquelles sont données trois symphonies de Sibelius. Après l'orchestration des Sept chants par John Estacio [lire notre chronique de la veille], elles sont ponctuées par deux pièces de compositeurs d'aujourd'hui. Ainsi découvre-t-on (jeudi) Radical Light de Steven Stucky et Wing on Wing d’Esa-Pekka Salonen, le maître d'œuvre de cette intégrale, jouée (mardi) avec le concours des soprani Cyndia Sieden et Anu Komsi.

Une seule symphonie au programme, mardi soir : la Deuxième Op.43 en ré majeur, datant des années 1900-1902. Salonen en affirme la pâte prégnante dans sa conduite précise de la dynamique de l'Allegretto initial. Au mouvement suivant (Tempo andante, ma rubato), il ménage un début mystérieux et recueilli, dans un climat latent où éclatent la fougue des cordes et la vindicte des cuivres auxquelles est donné un relief notable. Contrairement aux interprétations précédentes, celle-ci affiche ses belles coutures non sans un certain spectacle ; aussi le ton de cette page n'est-il guère comparable à ses cadettes. Peut-être plus faible, la Deuxième fait cependant goûter l'efficacité des instrumentistes du Los Angeles Philharmonic dans une couleur plus romantique. En affirmant une fluidité quasi berliozienne au Vivacissimo, le chef ne fait pas fausse route, profitant de la pastorale centrale pour regarder de l'autre côté de frontière sud-est de la Finlande. De fait, on ne s'étonnera pas qu'on ait pu dire de l'Allegro final qu'il fût tchaïkovskien.

De la Symphonie en ut majeur Op.105 n°7, l'on entend (jeudi) une exécution qui brille par la cohésion remarquable des cordes. L'élan des cuivres s'y avère souverain, la complexité des tissus fascinante, révélant l'écriture. Son unique mouvement s'inscrit dans le souffle large d'Esa-Pekka Salonen, un geste qui, pour mener à terme une vision d'ensemble des plus pertinentes, n'en soigne pas moins clairement chaque détail.

C'est surtout de l'étonnante Symphonie en la mineur Op.63 n°4 qu'on gardera un grand souvenir. Après le choc de la première mesure du mouvement initial croît le solo de violoncelle, dans un climat emphatique parfaitement assumé. Par un lyrisme qu'il distribue sagement, Salonen fait désirer chaque phrase. Au-delà de réminiscences quelque peu wagnériennes, on reconnaîtra une filiation toute particulière entre Sibelius et Britten. Précarisant les cordes, rendues exsangues, le chef dessine plus sensiblement encore la ruine d'une reprise avortée, jusqu'à l'abstraction. Le bref Allegro molto vivace, pour décidé qu'il ait l'air, demeure dans la démarche allusive qui caractérise toute l'œuvre. Les jeux du troisième épisode s'agacent sans aboutir, si ce n'est dans la perpétuelle hésitation de l'Allegro final, d'une tension toujours égale, où les traits les moins timides s'éteignent en refoulements. Subtilement amené, le fondu de ces résignations rencontre une expressivité domptée.

Outre une lecture lumineuse et pleine de verve du poème symphonique Le retour de Lemminkäinen Op.22 n°4 (qui introduisait le troisième concert), les musiciens offraient chaque soir un nouveau bis : une Valse triste « à fleur d'oreille » mardi, et, bien sûr, une enthousiaste Finlandia qui refermait fastueusement, public levé, l'hommage rendu au maître [lire notre chronique du 4 novembre 2007].

BB