Chroniques

par gilles charlassier

introduction générale à notre feuilleton
Internationales Mahler Festival Leipzig

Gewandhaus, Leipzig
- du 17 au 29 mai 2011
Gert Mothes photographie Riccardo Chailly à Leipzig
© gert mothes

Toute la ville vit à l’heure mahlérienne : placards jaunes disséminés dans les rues, conférences, exposition dans le foyer de la Gewandhaus et, naturellement, concerts. Dans la galaxie des commémorations du centenaire de la mort de Gustav Mahler, l’étoile de l’institution saxonne brille d’un éclat particulier. Que la cité aime célébrer les figures musicales qui foulèrent son sol n’est guère douteux, elle qui, chaque année en juin, organise une Bachfest. C’est ainsi qu’en septembre se tiennent également une Schumann-Festwoche et une Mendelssohn-Festtage. L’empreinte laissée par Gustav Mahler à Leipzig se limite pourtant aux deux saisons passées au Stadttheather en tant que chef assistant, de 1886 à 1888. On rappellera que c’est pendant cette période que la Première Symphonie est achevée et que sa presque morave Bohème natale n’est pas si lointaine, soulignant les parentés avec la Saxe.

L’originalité du présent événement, où seront données les dix symphonies ainsi que quelques Lieder, est de réunir des formations aux traditions diverses, sous la baguette de figures établies comme de la génération montante, couvrant ainsi un large spectre de la réception et de la compréhension de la musique du compositeur austro-hongrois, d’aujourd’hui à presque demain.

La relation particulière qu’entretient avec Mahler l’initiateur du projet, Riccardo Chailly, Kapelmeister du Gewandhausorchester depuis 2005, remonte à un concert auquel il assistait à Rome et qui fit forte impression sur le jeune enfant de dix ans. Mahler accompagna toute la carrière du chef italien – il a, entre autres, dirigé un cycle avec le Koninklijk Concertgebouworkest, achevé en 2004 et gravé par Decca. Si le corpus mahlérien fait partie du fonds du répertoire de la maison néerlandaise, présent à chaque saison, les noms illustres se pressent tant dans la mémoire collective du Gewandhaus que le nouveau directeur musical entend donner à Mahler la place de choix qui lui revient dans la programmation d’« un orchestre qui a la sonorité idéale pour cette musique ».

Contrairement à l’intégrale jouée à Stockholm en mars 2010, où les symphonies se succédaient selon l’ordre chronologique de composition, les organisateurs ont préféré à cette option jugée « académique » une association par affinités ou contrastes stylistiques, suscitant ainsi des rapprochements et des comparaisons. C’est que le corpus a une telle plasticité herméneutique qu’il autorise les interprétations les plus contradictoires entre elles, rappelle Riccardo Chailly, prenant l’exemple de Bruno Walter et Willem Mengelberg. « Et pourtant les deux sont aussi justes l’une que l’autre.» En présentant l’œuvre symphonique de Mahler au cours de ce qui est voulu comme « une sorte d’Olympiade musicale », il s’agit de mettre en perspective sa complexité et sa richesse, en même temps que cela constitue une promotion opportune de la vie culturelle d’une région avec laquelle la lyre d’Apollon s’est montrée généreuse au cours de son histoire. Cela, le directeur du Gewandhaus, Andreas Schultz, parvint à en convaincre aussi bien les collectivités territoires que les mécènes privés, assurant le financement de l’événement.

L’orchestre de la maison ouvre le festival avec la Deuxième Symphonie, les 17 et 18 mai [lire notre chronique] et le referme avec la Huitième les 26, 27 et 29 mai [lire notre chronique]. La Troisième est donnée le 19 mai avec le Staatskapelleorchester de Dresde, conduit par Esa-Pekka Salonen [lire notre chronique]. La version signée Deryck Cooke de la Dixième Symphonie suit le 20 mai, Jun Märkl dirigeant le MDR Sinfonieorchester [lire notre chronique], tandis que le lendemain Yannick Nézet-Séguin livre la Septième à la tête des Bayerischen Rundfunks [lire notre chronique]. Dimanche 22 mai, après le Chant de la Terre et la Totenfeier par le Concertgebouw et Fabio Luisi [lire notre chronique], le London Symphony Orchestra joue le soir même la Première Symphonie et l’Adagio de la Dixième sous la férule de son directeur musical, Valery Gergiev [lire notre chronique]. Le 23 mai, le New York Philharmonic Orchestra vient avec son chef récemment appointé, Alan Gilbert, offrir la Cinquième Symphonie précédée des Kindertotenlieder incarnés par la voix de Thomas Hampson [lire notre chronique]. Le lendemain, le Tonhalle-Orchester de Zurich présente avec David Zinman la Sixième Symphonie [lire notre chronique], tandis que le 25, Daniel Harding et le Mahler Chamber Orchestra interprètent la Quatrième Symphonie [lire notre chronique]. Entre les deux dernières performances de la Symphonie des Mille, les Wiener Philharmoniker viendront le 28 mai exhaler le souffle de la Neuvième sous la baguette de Daniele Gatti.

GC