Chroniques

par irma foletti

L’equivoco stravagante | L’extravagante équivoque
dramma giocoso de Gioachino Rossini

Rossini Opera Festival / Vitrifrigo Arena, Pesaro
- 19 août 2019
L’equivoco stravagante, dramma giocoso de Gioachino Rossini, à Pesaro...
© studio amati bacciardi

Créé en 1811 au Teatro del Corso de Bologne, par un jeune Rossini de dix-neuf ans, le dramma giocoso en deux actes L’equivoco stravagante se situe clairement dans la production buffa du compositeur [lire notre chronique du 29 juillet 2018]. Cet aspect peine à ressortir à l’issue du premier acte, dans la nouvelle production de Moshe Leiser et Patrice Caurier, artistes reconnus internationalement mais qui, au Rossini Opera Festival, font leurs débuts avec cet ouvrage. Les décors de Christian Fenouillat sont épurés et fort élégants : un cadre doré de tableau pour entourer l’ouverture de scène, des rideaux beiges qui se lèvent pour découvrir les mêmes motifs sur une tapisserie posée du sol au plafond dans le grand salon tout en largeur, et une peinture alpestre en bonne place, avec vaches qui broutent et clocher savoyard.

Les protagonistes, qui arborent faux nez et pommettes roses, jouent bien la comédie, mais on sourit tout juste en première partie, trop rarement. L’immensité du plateau et le grand éloignement du public dans cette salle hébergée par le palais des sports de Pesaro, ont certainement poussé les réalisateurs à favoriser la lisibilité du propos et de l’action, au détriment des finesses humoristiques et autre deuxième degré. Les choses s’arrangent nettement au second acte, le comique de l’intrigue reprenant ses droits dès lors que le serviteur Frontino met en place son extravagant quiproquo en faisant croire à Buralicchio qu’Ernestina est en fait Ernesto, garçon ayant subi la castration dans ses jeunes années. Les deux amants Ernestina et Ermanno peuvent ainsi être réunis à la conclusion, après quelques péripéties, entre autres un court séjour en prison sur la droite du plateau pour la première, et un petit passage du couple à l’intérieur du tableau alpestre.

En tête de distribution, le mezzo Teresa Iervolino défend le rôle d’Ernestina avec de riches couleurs et un timbre assez sombre, sachant alterner douceur et panache, comme dans son grand air de l’Acte II, Se per te lieta ritorno [lire nos chroniques de Tamerlano, Lucrezia Borgia et Semiramide]. Dans le rôle de son papa, Gamberotto, le baryton-basse Paolo Bordogna nous régale d’une vis comica qui évite toute lourdeur ; l’instrument est plus brillant dans sa partie aigüe et les quelques sons fixes conviennent au personnage [lire nos chroniques de Don Gregorio et de La pietra del paragone]. Le baryton Davide Luciano (Buralicchio) possède une voix encore plus sonore, robuste et bien timbrée, son rôle étant davantage mis en valeur au second acte. Le ténor Pavel Kolgatin (Ermanno) se montre nettement inégal, surtout après un démarrage incertain où le timbre sonne disgracieusement. Plus tard, des passages sont plus agréables, comme l’air Sento da mille furie où quelques aigus projetés avec vaillance tendent à rééquilibrer l’ensemble. Le second ténor, Manuel Amati (Frontino), fait entendre un volume réduit [lire notre chronique d’Il viaggio a Reims], tandis que Claudia Muschio s’affirme en Rosalia.

Depuis sa première participation au festival en 1992, la dernière venue de Carlo Rizzi remontait à 2014, pour Armida. Toujours soucieux des solistes en scène, il dirige un Rossini vif-argent, à la fois léger et plein de nuances. Il est à la tête d’un impeccable Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI, pourtant très sollicité dans la virtuosité, en particulier pour les cors, dès l’Ouverture. Les choristes masculins du Coro del Teatro Ventidio Basso, aidés par le chef qui chante (silencieusement !) chaque mot du livret avec eux, sont aussi bien en place et jouent avec naturel, ainsi qu’un plaisir communicatif.

IF