Chroniques

par hervé könig

l’opus 35 de Korngold par Leonidas Kavakos
Sinfonieorchester des Bayerischer Rundfunks, Mariss Jansons

Alte Oper, Francfort
- 9 avril 2016
excellent Mariss Jansons, en tournée à Francfort, avant les USA !
© dr

Avant New York, Montréal, Chicago et Washington, c’est à Francfort que la tournée de Mariss Jansons fait escale, à quelques centaines de kilomètres du pays natal de son orchestre. Ce samedi, la jolie façade de l’Alte Oper accueille le Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks dans un programme surprenant : la Tchécoslovaque de Dvořák, un concertode Korngold et, pour commencer, un opus nord-américain que John Corigliano a signé en 1985. Il s’agit de Fantasia on an ostinato, extension à l’orchestre d’une page pour piano seul. Voilà une musique indéniablement écrite pour plaire, avec ses lueurs parsifaliennes, ses échos mahlériens et même quelques réminiscences de Verdi ! Sans réussir à faire passer l’œuvre pour ce qu’elle n’est pas, Jansons parvient pourtant à intéresser grâce à un travail de timbre et de relief qui ménage un suspens stimulant à l’exécution. En tout cas, c’est le moment de profiter de la qualité des pupitres bavarois, vraiment excellents, à la fois dans les passages tout en finesse et dans la vaillance. L’envahissement progressif du motif répété par la masse instrumentale décuplée fait son effet, il faut le reconnaître. Quand arrive soudain la citation de la Septième de Beethoven, on ne résiste pas, quelles qu’aient été les réticences préalables.

Quarante ans auparavant, Erich Wolfgang Korngold, considéré comme le père de la musique de film, écrivait pour Jascha Heifetz son Concerto pour violon en ré majeur Op.35. Leonidas Kavakos entre sur scène. Quel enchantement ! Le prélude du Moderato nobile est délicatement articulé, le chef lui inventant un clair-obscur féérique. Le mouvement prend alors son élan : à l’expérience acquise par Jansons dans la fréquentation assidue des grands Strauss et Mahler s’ajoute le chant parfait de Kavakos, prodigieux [lire notre critique du DVD]. Alors qu’on attend l’explosion lyrique à la reprise du thème, juste après la cadence, les interprètes maintiennent une contenance très sage. Les bois sont un bonheur dans la calme introduction de la Romance (Andante), et c’est un euphémisme de dire la perfection technique et musicale de la proposition soliste. À l’orchestre, le travail des textures est très sensible. Le Finale enjoué emporte la salle, totalement charmée. Bravo à l’appel de cor qui sonne l’avènement du dernier trait !

Écrite rapidement durant l’été 1889, la Symphonie en sol majeur Op.88 n°8 d‘Antonín Dvořák fut créée à Prague le 2 février de l’année suivante. De retour d’entracte, c’est elle qu’on entend. Les trois séquences du premier mouvement s’inscrivent dans le même pétillement que le concerto précédent. En revanche, Mariss Jansons signe une interprétation bouleversante de l’Adagio, osant des nuances crues et aussi une fragmentation radicale. La danse soyeuse du Scherzo (Allegretto grazioso) se parfume d’une nostalgie incroyable. Par rapport à ses propres lectures passées, l’Allegro final est moins lourd, trouvant dans l’agitation de fête qui le caractérise une nouvelle dimension. Le talent des cuivres est le triomphateur de cette seconde partie de soirée, saluée d’une standing ovation bien méritée. On partirait volontiers outre-Atlantique avec ces musiciens !

HK