Chroniques

par françois cavaillès

La clemenza di Tito | La clémence de Titus
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart

Théâtre municipal Raymond Devos, Tourcoing
- 5 février 2019
Christian Schiaretti signe "La clemenza di Tito" de Mozart à Tourcoing
© danielle pierre

En tant que possible testament musical, La clemenza de Tito, ultime opéra de Mozart, expose plus particulièrement tout le bien, la sérénité et la paix infinie retrouvés en pardonnant à qui nous a trahis. La nouvelle mise en scène du génial opera seria de 1791 (l'un des derniers spécimens du genre), très classique, signée Christian Schiaretti pour l'Atelier Lyrique de Tourcoing, donne d'abord à ressentir – mais non pas à voir, à travers trois rideaux apparus de manière ordonnée – les figures du drame antique que narre le livret de Métastase. Peut-être l'assassin (soupçonné, Sesto), le guérisseur (par la clémence, Tito) et l'amoureux (Vitellia, Annio ou Servilia). Dans le décor dénudé de Fanny Gamet, entre quelques colonnes et sièges curules, sous des lumières évocatrices de Julia Grand, en fond de scène (en particulier lors de l'incendie du Capitole), la justice humaine s'exerce, incisive, le verbe haut, en vers déclamés par les esprits alertés sous la menace des armes ou bien habiles rhéteurs en toge – les costumes d’Émily Cauwet-Lafont sont plutôt sobres mais séducteurs par, dans tes tons ocre, absinthe, bleu princier... ou plus brillants et métalliques pour l'empereur, le gladiateur, etc..

Symétrie et profondeur scéniques interpellent et permettent de belles largesses dans le jeu. En un mot, la réussite du spectacle tiendrait à son Ouverture. Ainsi, en basculant dans l'Allegro avec une telle vivacité du rapport entre ses deux motifs, l'effet le plus divin saisit les pensées grâce à La Grande Écurie et la Chambre du Roy, ensemble dirigé par le chef invité Emmanuel Olivier. L'orchestre ne manque ni de cran ni de magie pour offrir vraiment Mozart au public fidèle de l'Atelier lyrique. La spirale ascendante est ensuite inspirée par les récitatifs, aussi fermes que sensibles, tout comme le Chœur maison d'abord véloce, puis majestueux, enfin radieux.

Au singulier, également, fourmillent les bonnes surprises vocales. Tout d'abord, la Vitellia très volontaire, charmante et de timbre fort agréable du soprano Clémence Tilquin [lire nos chroniques des 4 mai et 13 juin 2011, du 4 février 2014 et du 4 avril 2016]. Le principal mérite du Tito campé par le ténor Jérémy Duffau tient au chant harmonieux du grand air Del più sublime soglio, sans oublier l'intensité de son art des nuances dans l'intéressant Ah, se fosse intorno al trono, bien impacté. Au duo d'amour suivant, l'Andante que livre le mezzo Ambroisine Bré, excellent Annio, est onctueux avant que le personnage s'enflamme et charme de manière évidente [lire notre chronique du 20 juin 2017]. La Servilia du soprano Juliette Raffin-Gay se montre plus chaste, mais encore poétique [lire notre chronique du 13 novembre 2015], à l'opposé du Publio plus prosaïque et efficace du baryton-basse Marc Boucher [lire notre chronique du 11 janvier 2019]. Au rôle extraordinaire de Sesto, le mezzo Amaya Domínguez convient magistralement. La magnifique ambiguïté, entre douceur et vaillance, dans Parto, parto, ma tu, ben mio, est un régal d'étourdissement – et que dire de sa silhouette voûtée puis dressée comme sa voix, plus explosive que le brasier romain au terme du premier acte, dans Oh Dei, che smania è questa [lire nos chroniques du 11 août 2009, du 26 mars 2010, du 24 novembre 2011, enfin des 4 février et 21 août 2014] ! Ainsi, au cours des deux actes si bien remplis de La clémence mozartienne, cette production méritante ouvre-t-elle la porte à une hallucinante invasion lyrique.

FC