Chroniques

par gilles charlassier

La reine de Chypre, opéra de Fromental Halévy (concert)
Vlaams Radio Koor, Orchestre de chambre de Paris, Hervé Niquet

Véronique Gens, Sébastien Droy, Étienne Dupuis, Artavazd Sargsyan, etc.
Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 7 juin 2017

De Fromental Halévy, la postérité a d'abord retenu La Juive, que l'Opéra national du Rhin a redonné récemment dans une production signée Peter Konwitschny et importée des Flandres, après qu’on ait vu à Lyon la mise en scène d'Olivier Py [lire nos chroniques du 6 février 2017 et du 30 mars 2016]. Ce que l'on peut voir comme un des archétypes du grand opéra français ne doit pas éclipser le reste du catalogue du compositeur, et l'on ne saurait que saluer l'initiative du Palazzetto Bru Zane (PBZ) d'ouvrir, sur les planches du Théâtre des Champs-Élysées, la cinquième édition de son festival annuel parisien – inscrit depuis ses fonts baptismaux au début du mois de juin [lire nos chroniques des 9 et 10 juin 2013, du 17 juin 2014 et du 3 juin 2016, ainsi que notre dossier sur son premier opus] – avec La reine de Chypre, créé en 1841 et considéré par d'aucuns à l'époque comme son véritable chef-d’œuvre.

Donnée en version de concert, la partition dévoile d'indéniables richesses.
On retiendra en particulier le finale de l’Acte I, très architecturé, qui donne à cette vaste scène une puissance égale aux meilleurs ensembles du répertoire romantique, célébrant les noces rivales du sentiment amoureux et de la raison politique. Au deuxième acte, le duo entre Catarina Cornaro et Gérard de Coucy, jusqu'au reniement forcé, s'appuie sur une orchestration délicate et noue le drame avec une remarquable intensité, tandis qu’au III la rencontre entre Lusignan et le proscrit témoigne d'un héroïsme de belle facture. La seconde partie de soirée se révèle plus discutable, entre un IV réduit à une pompe cuivrée quand du V se détache surtout la déploration sur le trépas du roi de Chypre – nous découvrions il y a quelques années la version Donizetti du même argument [lire notre chronique du 22 juillet 2014].

Le plateau vocal réunit présente le mérite de faire honneur à la diction lyrique.
Dans le rôle-titre, Véronique Gens, fidèle aux projets d'exhumation du PBZ [lire nos chroniques du 29 janvier 2015 et du 8 mars 2014], compense avec sa science éprouvée du style un format vraisemblablement bien en-deçà de ce qui fut imaginé pour la création. En Jacques de Lusignan, Étienne Dupuis affirme une vaillance que plus d'un aimerait moins monochrome, quand bien même le personnage est esquissé de manière plutôt attachante. Le père de Catarina, Andrea Cornaro, revient à Christophoros Stamboglis, d'une évidente solidité, et probablement le gosier le plus large de la soirée. Artavazd Sargsyan ne démérite guère en Strozzi. L'intervention du Héraut d'armes revient à un honnête Tomislav Lavoie. Quant à Gérard, le guignon semble s'être abattu sur lui : non content de disqualifier Marc Laho, initialement prévu, il s'acharne sur un Sébastien Droy à la voix plus qu'intermittente, que le déchiffrage de dernière minute est censé excuser.

Mentionnons l'engagement du Vlaams Radio Koor (Chœur de la Radio Flamande) pour mieux oublier l'Orchestre de chambre de Paris, enclume résonnant sous la battue d’Hervé Niquet, débordante de vitalité.

GC