Chroniques

par bertrand bolognesi

l'aujourd'hui musical coréen
champs libres de l’ensemble Linea

TAPS Gare, Strasbourg
- 12 juin 2010
musique contemporaine coréenne à Strasbourg
© alex florès

Le printemps strasbourgeois est coréen, résolument coréen, n'en doutez pas ! Depuis une semaine, l'ensemble Linea et ses Champs libres invite le public alsacien à regarder vers l'est lointain, celui de la création contemporaine, bien sûr, mais aussi celui de la tradition, la culture coréenne d'aujourd'hui se révélant sans doute plus proche de son passé et de ses rites que d'autres. La programmation tous azimuts de cette nouvelle édition du festival s'avère d'une richesse exceptionnelle, explorant l'opéra traditionnel – Pansori –, la musique de kayagum (cithare à douze cordes), le rituel bouddhiste, encore très chamanique, et son tambour de cérémonie, mais aussi ce que l'on appelle chez nous le papier coréen, sans oublier la scène rock !

Ce soir, nous assistons à deux rendez-vous privilégiés. Tout d'abord avec trois compositeurs d'aujourd'hui, à travers l'énergie râpeuse du quatuor à cordes de Jong Yeoul Chong, intitulé Spring, les confins délicats (effleurements, frottements, grattements, souffles, harmoniques flûtées, claquements de clés, souvenirs de gongs, choc de cordes) de Mit meinem glühend heissen Atem de Dong Jin Bae, pour trio à cordes, clarinette et percussion, et le fort passionnant Zum blauen Himmel de Jin-ah Ahn, mariant savamment violoncelle et clarinette au kayagum, chaque instrument inventant des sonorités qui ne sont plus spécifiquement les siennes jusqu'au vertige des timbres et des couleurs.

En préambule, Kim Woong-sik au changoo et Yi ji-young au kayagum préparaient subtilement l'écoute par un bref et intense moment de musique traditionnelle. De la même manière, le second rendez-vous de la soirée ménage deux moments avec Lee Chul-Jin et la danse Sungmu, atteignant elle-même le rituel bouddhiste à travers le chamanisme ancestral. Après la découverte du très tonique Monolog aus dem Denken von Lucky de Sun-young Pagh, pour percussion et électronique en temps réel, nous abordons la grave préciosité (dans le meilleur sens du terme) de cette danse, tout d'abord dans son acception strictement traditionnelle.

Pour finir, les temps se rejoignent, puisque Jin-Ah Ahn appelle sa redoutable pièce pour hautbois Sungmu, fascinante déclamation micro-intervallaire qui convoque les effets d'impact, de couleurs, de trilles, de multiphoniques, de l'instrument dont il rappelle intimement qu'il est à vent par une écriture toute sur le souffle – n'omettons pas de féliciter Heidi Caillet ! –, et que Hyun-Wha Cho a imaginé, à la demande de Linea qui lui en fit commande, son Karma-Trauma pour percussion, électronique en temps réel et danseur Sungmu.

BB