Chroniques

par laurent bergnach

le vieil aujourd’hui
Faguet, Raykhelson et Chtchedrine

Opéra national de Montpellier / Corum
- 18 fevrier 2011

Cette deuxième journée du cycle Les figures du siècle consacré à la « musique d’aujourd’hui » déçoit tout d’abord par un changement de programme important : Sebastian im Traum (Hans Werner Henze), Le Tombeau de Ravel (Olivier Greif, orchestré par Fabien Waksman) et Metastasis (Iannis Xenakis) disparaissent au profit de la Carmen Suite (1967) de Rodion Chtchedrine (né en 1932), vite soûlante, donnée après l’entracte. Après avoir livré Aida au Stade de France, en octobre dernier, Alexandre Vakoulsky et l’orchestre maison aurait-ils manqué de temps ou de motivation pour défendre ces pièces rares ?

C’est Contrevalse, pièce d’environ un quart d’heure signée Bernard-Olivier Faguet (né en 1970), qui ouvre ce bal de « compositeurs libres, impossibles à enfermer dans une école ou un style dominant » – comme le précise Philippe Venturini dans une présentation générale du festival. Professeur de philosophie par ailleurs, Faguet ne cache pas son admiration pour Chostakovitch, et on croit déceler ici et là, une allusion de fond et de forme au « Beethoven du XXe siècle » (Trois grands lys / sur ma tombe sans croix). Mais c’est surtout vers de grands usagers de la valse, Schubert, Mahler et Berg qu’il s’est tourné.

« J’ai utilisé ce modèle pour le détruire, précise le compositeur, comme pour marquer la fin d’un monde. On peut éprouver ce même sentiment à l’écoute de Ravel, mais il s’accompagne de nostalgie. Il n’y en a aucune dans ma Contrevalse. La page est tournée. » Vibrations d’une poignée de violoncelles et bourdonnement des violons installent vite un climat d’inquiétude que le glas des cloches tubes (miaulant parfois) et un gong omniprésent rendent funèbre. Gothique et scintillante – quasi boîte à musique peu avant la fin, trompeur happy end… –, cette valse de belle facture ne dénoterait pas dans l’univers du cinéaste Tim Burton.

« À certains concerts, il m’arrive d’entendre une sonate dans le style de Ravel, un concerto dans celui de Brahms, etc. Mais à quoi cela peut-il servir autrement qu’à des exercices d’écriture ? Quel est l’intérêt de cela ? » Ces mots de Philippe Leroux nous reviennent en mémoire durant la création française du Concerto pour piano en sol mineur (2007) d’Igor Raykhelson (né en 1961) défendue par le jeune Vadim Kholodenko, remplaçant à la main lourde d’un Berezovsky absent. Violons sirupeux, bois tendrelets et diarrhée pianistique caractérisent cette pièce à sa place dans un festival Rachmaninov.

LB