Chroniques

par gérard corneloup

Les mamelles de Tirésias
opéra de Francis Poulenc

Opéra national de Lyon
- 30 novembre 2010
Macha Makeïeff met en scène Les mamelles de Tirésias de Poulenc à Lyon
© jean-louis fernandez

N’en jetez plus ! On ne gagne pas à tous les coups ! Ça finit quand ?
Ce sont trois des remarques – et pas parmi les plus acerbes – qui peuvent titiller le spectateur, au sortir de ce spectacle court et long à la fois, la tête farcie des cabrioles, sauts et re-sauts, entrées et sorties, un coup côté cour, un coup côté jardin, trappes ouvertes et fermées, qui scellent – pour ne pas dire encombrent – cette redécouverte d’un (petit) opéra vraiment mineur dans l’histoire du théâtre lyrique français. Un spectateur qui mettait volontiers, au contraire, beaucoup d’espoir dans la mise en scène concoctée par Macha Makeïeff, ancienne des Deschiens devenue une invitée favorite de l’Opéra national de Lyon, scène où elle avait merveilleusement et originalement fait revivre certain Quartier des Cerises de Chostakovitch. Seulement voilà, dans ce registre de trapèze scénique, on ne retombe pas toujours sur ses pieds… mais parfois sur ceux du spectateur.

Il est vrai qu’imaginer, réaliser et diriger à la fois la mise en scène, les décors, les costumes et les accessoires (comme signalé dans le programme) est véritablement un numéro de haute voltige pour une seule personne. Le tout complété par les (désormais) inévitables projections vidéo.

Il est vrai aussi que l’initiateur du spectacle – la poly-maîtresse-d’œuvre elle-même ? – a vraiment multiplié les risques ! Grinçant, volontiers décalé, le texte d’Apollinaire, qui traite dans la dérision les effets de la Grande Guerre et l’état de la femme dans une société machiste par essence, est à la fois terriblement daté et vraiment d’actualité. Encore convient-il de jongler adroitement avec ces deux composantes. Ce n’est vraiment pas le cas ici. L’idée de placer l’action sur la scène et dans les coulisses d’un cirque eut été intéressante, si elle n’avait été le prétexte à une abondance – une avalanche, même – de gags mille fois vus, répétitifs, prévisibles, avec effets jouant la quantité plutôt que la qualité. Englober, pour ne pas dire étirer, ce Poulenc secondaire, dans un foxtrot tertiaire de Chostakovitch et l’inoffensif Bœuf sur le toit de Milhaud, épaissit encore la sauce et ménage le spectateur d’indigestion.

Tout cela est d’autant plus dommageable que, outre les moyens techniques visiblement copieux - et sans doute coûteux - dont bénéficie cette production, la partie musicale s’avère excellente. Avec finesse, esprit, une pointe d’humour mais aucune trivialité, le jeune chef Ludovic Morlot trouve toujours le ton juste et homogénéise à merveille l’ensemble. Les divers pupitres de l’orchestre « maison » sont excellents, tout comme les trois musiciens mobilisés sur scène : Gilles Pariot au saxophone, Eric Le Chartier au trombone et Nicolas Frache à la guitare hawaïenne.

De même, à côté de la Thérèse – ou Tirésias, c’est comme on voudra – d’Hélène Guillmette, éblouissante tant vocalement que dramatiquement, du Mari savoureux autant que musclé d’Ivan Ludlow, la distribution s’avère particulièrement convaincante et bien choisie (en particulier divers artistes des chœurs se produisant en tant que solistes). On peut y ajouter une éblouissante équipe d’acrobates danseurs dont cependant les nombreuses cabrioles ne font pas tout !

GC