Chroniques

par laurent bergnach

Les poulets n’ont pas de chaises
spectacle de Marcial di Fonzo Bo

Théâtre de la Ville, Paris
- 7 novembre 2006
Les poulets n’ont pas de chaises, spectacle de Marcial di Fonzo Bo
© j.p. maurin

Bientôt vingt ans que Copi est parti pour une autre planète, laissant derrière lui dessins, romans, pièces de théâtre et même – comme Dali en son temps – sa silhouette dans un spot publicitaire. Marcial di Fonzo Bo avait donc le choix pour rendre hommage à son compatriote né à Buenos Aires en 1939 et débarqué en France en 1963, si bien que le programme de ce soir, en trois parties, se révèle copieux (trop, peut-être). Bienvenu dans un monde d'humour absurde et de transgression, qui nous rappelle combien le travesti est une figure de contestation politique – petite pensée à Maria Casarès qui, au Théâtre de Gennevilliers, fut le Pape inventé par Genet.

Le spectacle commence avec Les poulets n'ont pas de chaises, qui nous plonge dans les dessins parus dans Le Nouvel Observateur au cours des années soixante. On y retrouve le personnage de la femme assise face aux interrogations de sa fille, tout un bestiaire d'escargots, de rats et de poulets plus bavards qu'un perroquet, ainsi que de tendres vacheries sur l'intelligentsia de l'époque (Sartre, Duras, Arrabal). Avec quelques pizz' de violoncelle – Jean-Yves Gratius – et de cordes de piano – Pierre Allio –, les musiciens (côté jardin) installent un climat discret. Mais très vite, la trompette bouchée de Sylvain Gontard cisèle l'ambiance jazzy de ce cabaret survolté. Omniprésente, la musique servira d'intermèdes entre des sketchs assez brefs, ou se fera illustrative : marche pour un défilé des quatre comédiens robe-blanche-et-cheveux-raides, intervention d'une guitare pour une évocation de samba, phrasés métalliques du percussionniste Guillaume Kervel sur L'Asiatique de vos rêves. Ce tableau est d'ailleurs un des plus drôles, avec Mister Morton – lequel offre décalage et non redondance entre la parole dite et écrite, Marina Foïs prêtant son accent américain à la grande blonde en déshabillé incarnée par le metteur en scène. Pour qui connaît la bande dessinée, l'animation de l'héroïne sur un large mur de rideaux servant d'écran paraît aussi étrange que de découvrir Tintin à la recherche des oranges bleues : on avait forcément imposé son propre rythme, sa propre voix au personnage de papier, de sorte qu'on reste parfois dubitatif.

Toujours aussi blonde, Di Fonzo Bo revient incarner Loretta Strong, astronaute en perdition violée par un rat et poursuivie par les hommes-singes... Son monologue téléphonique avec un autre satellite lui permet de raconter son isolement et son angoisse. Moins exotique mais tout aussi dérangée, voici L, ex-mannequin écrivant ses mémoires qu'interprète Angel Pavlovsky, un travesti russo-argentin qui règne sur Barcelone depuis des décennies. Le Frigo, c'est ce cadeau encombrant, reçu pour ses cinquante ans. Même si Pierre Maillet joue une mère aussi juste que le fut sa gamine en début de soirée, dommage que le texte (par souci de dynamisme ?) ait été artificiellement partagé entre plusieurs personnages. Ici, comme dans Loretta Strong, peu d'interventions musicales directes – l'orchestre est d'ailleurs relégué en fond de scène – sauf pour des moments panique, accompagnant des crises à leur paroxysme.

LB