Chroniques

par gilles charlassier

L'incoronazione di Poppea | Le couronnement de Poppée
dramma per musica de Claudio Monteverdi

Opéra national de Lyon
- 19 mars 2017
L'incoronazione di Poppea, opéra de Monteverdi au festival Mémoires (Lyon)
© jean-louis fernandez

Deuxième étape de notre parcours dans Mémoires, le mini-festival de l'Opéra national de Lyon, après le Tristan und Isolde d’Heiner Müller [lire notre chronique de la veille], L'incoronazione di Poppea revisité par Klaus Michael Grüber rappelle à certains quelques souvenirs de Festival d'Aix-en-Provence – en l'occurrence son édition 1999.

Si, par sa juxtaposition de registres, entre tragédie et comédie, dans un irrésistible tourbillon théâtral, l'ultime opus lyrique de Claudio Monteverdi est, à juste titre, considéré comme le premier véritable opéra de l'histoire de la musique, la lecture de Klaus Michael Grüber, reprise par Ellen Hammer, ne cède pas à la réjouissante hystérie qui généralement prévaut désormais dans des productions où l'adaptation contemporaine s'avère souvent bienvenue – et après laquelle ne courent pas les costumes dessinés par Rudy Sabounghi. Reconstruits par Bernard Michel, les décors de Gilles Aillaud, se donnent comme un songe pastiche de quelque épure antique, sur fond de panneaux rouges condensant sans doute les sanguinaires luttes de l'amour et du pouvoir. Réglées par Dominique Borrini, les lumières soulignent avec une évidente poésie et des teintes parfois nocturnes la réduction intimiste de la conception générale, sacrifiant quelque peu l'hétérogénéité dramaturgique de l'ouvrage – ce dont témoignent les généreuses coupures, la plus brutale étant la suppression de la scène du couronnement, qui élude de manière un peu dommageable le contrepoint entre politique et sentiment répondant, à l'autre extrémité de la pièce, à la controverse des déités du Prologue.

Le format se retrouve dans la facture orchestrale, avec une fosse limitée aux quelques instrumentistes des Nouveaux Caractères de Sébastien d'Hérin, lequel ne tire pas toujours parti des ressources dynamiques de la configuration, et s'abandonne çà et là enune relative indolence.

Puisé dans le Studio de l'Opéra national de Lyon, le plateau fait honneur à la jeunesse.
En Poppea, Josefine Göhmann séduit par une légèreté mutine et fruitée, qui s'allie au Nerone adulescent de Laura Zigmantaite dont le timbre est paradoxalement presque plus féminin que celui de sa partenaire. Elli Vallinoja retient la mine défaite d'une Ottavia répudiée, quand Alina Kostrewa assume l'androgynie d'Ottone. Pawel Kolodziej ne démérite pas en Seneca, dont il résume peut-être moins la maturité que les prémices. André Gass assure le spectacle en Arnalta. Mentionnons la Drusilla d'Emilie Rose Bry – que l'on retrouve en Virtù au début de la soirée – ainsi que la verdeur idiomatique du Valletto de Katherine Aitken (par ailleurs Fortuna), sans oublier la Damigella de Rocío Pérez, à laquelle est dévolue la troisième muse introductive, Amore. La galerie des personnages secondaires se complète avec Oliver Johnston (Lucano, Soldato), Pierre Héritier (Littore, Liberto), Brendon Spiteri (Famigliare, Mercurio, Soldato), James Hall (Famigliare, Pallade) et Aaron O'Hare (Famigliare).

GC