Chroniques

par laurent bergnach

mélodies populaires de Leoš Janáček

ProQuartet / Opéra national de Paris, Studio Bastille
- 28 janvier 2007
le compositeur morave Leoš Janáček

Le temps d'un week-end, contrepoint au Journal d'un disparu orchestré par Gustav Kuhn et donné au Palais Garnier du 26 janvier au 16 février, ProQuartet-CEMC propose six rendez-vous pour sensibiliser à la richesse et à l'originalité de l'œuvre de Leoš Janáček (1854-1928). Longtemps ignorée en France, sa musique se voit consacrer un atelier-concert (version originelle du Quatuor n°2 Lettres intimes, avec la viole d'amour remplaçant l'alto traditionnel), deux tables rondes et trois concerts. Après l'exécution des deux Quatuors de 1923 et 1928 par le Quatuor Bennewitz, et avant la découverte du cycle de vingt-deux chants évoqué plus haut, dans sa version originale pour voix et piano, nous sommes conviés à un récital de mélodies populaires. L'enterrement d'un brigand succède à La noce des moustiques, mettant en évidence cet éventail émotionnel que décrivait Kundera : « une confrontation sans transition, vertigineusement serrée, de la tendresse et de la brutalité, de la fureur et de la paix ».

Comme le firent à la même période Bartók et Kodály dans leur pays, Janáček collecta durant plusieurs années un grand nombre de mélodies traditionnelles en sillonnant les routes de Moravie et de Slovaquie occidentale. Sensible à la culture tchèque depuis l'adolescence, ce germanophobe participe à un travail collectif sous la direction du linguiste František Bartoš dans les environs de Hukvaldy, son village natal. Entre 1899 et 1901, plus de deux cent mélodies sont répertoriées, qui donneront la matière à un recueil ethnographique, et seront l'essence de productions musicales : Poésie populaire dans les chansons moraves (1892-1902), Poésie d'Hukvaldy en chansons (1898) ou encore Mélodies et ballades de Silésie (1918).

Des extraits de ces trois dernières partitions constituent le programme du jour, en alternance avec les dix pièces du premier cahier de Sur un sentier recouvert. Prix Davidoff 2000, le jeuneMartin Kasík déçoit par un jeu technique et terne qui n'illustre guère le mystère ou l'ironie de certains titres. Heureusement, les solistes de l'Opéra de Prague qu'il accompagne ne sont pas prises en faute. Soprano lumineux, Jana Sibera forme plusieurs duetti équilibrés avec le mezzo-soprano Sylva Čmugrová, au chant évident, au timbre chaud, expressif et émouvant. La note sombre du récital est apportée par le contralto Eliška Weisová qui allie ampleur et rondeur de son.

LB