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Chroniques
Macbeth (version française)
opéra de Giuseppe Verdi
Le Festival Verdi avait déjà programmé Macbeth, dans sa version française créée à Paris en 1865. C’était en concert il y a quatre ans, en plein air, dans le Parco Ducale pour cause de crise sanitaire Covid, avec Ludovic Tézier dans le rôle-titre. Initialement programmé en Macbeth pour la présente édition, le nom du baryton français a cependant disparu de l’affiche ces derniers mois, ôtant ainsi la dernière touche de francophonie à la distribution vocale. Et la médiocre qualité du français constitue malheureusement le grand point faible de cette représentation. Malgré un effort soutenu, on ne comprend que de trop rares mots, aussi bien de la part des solistes que des choristes, ceci dès la première intervention des sorcières. Outre la frustration de ne pas goûter un texte que nous n’avons vraiment pas l’habitude d’écouter, il est tout aussi difficile de comprendre la volonté des organisateurs de ne pas avoir prévu Macbet en italien dès lors que l’essentiel du plateau vocal est italien.
Au sein du couple sanguinaire, c’est la Lady de Lidia Fridman qui impressionne le plus, soprano doté d’une impeccable musicalité et d’une puissance suffisante en termes de projection vocale. Elle passe ainsi sans encombre les grands intervalles de sa partie et fait également preuve de souplesse vocale dans le Brindisi, une agilité facilitée par sa fréquentation régulière de rôles belcantistes [lire notre chronique de L’ange de Nisida]. La voix n’est sans doute pas celle d’un pur soprano spinto verdien, mais ce personnage de femme de haute stature, plutôt raide et qui garde ses distances, produit son effet. À ses côtés, Ernesto Petti tient le rôle-titre de manière fiable, mais sans brillant ni noirceur particulière dans la voix. Le volume est limité, tout comme son aura ainsi que le registre grave, le baryton composant finalement un Macbeth plus humain que d’ordinaire, qui met davantage en évidence ses faiblesses [lire notre chronique de La traviata]. Le Banquo de Michele Pertusi, basse d’expérience au volume conséquent qui confère de l’autorité à ses interventions, tout en gardant le vibrato sous contrôle, fait entendre la meilleure diction française du plateau [lire nos chroniques de Thaïs, La sonnambula, I puritani, Semiramide, Norma, Jérusalem, Don Carlos, Don Pasquale, Macbet, Il barbiere di Siviglia, Nabucco, I masnadieri, I Lombardi alla prima crociata, Marino Faliero, enfin de Moïse et Pharaon ou Le passage de la mer Rouge]. Le Macduff de Luciano Ganci ne convainc pas vraiment, ténor à l’accent volontaire et visiblement enthousiaste, mais au style assez désordonné [lire nos chroniques de Stiffelio, Giovanna d’Arco, Andrea Chénier, Aida et Madama Butterfly]. À tout prendre, on peut lui préférer le Malcolm de l’autre ténor Davide Astorga [lire notre chronique de Lucie de Lammermoor], sans doute d’une énergie moins démonstrative, mais qui possède un son bien concentré et un style mieux en place.
La nouvelle production, signé Pierre Audi, n’est pas non plus inoubliable, avec, une fois encore, une proposition de théâtre dans le théâtre. Ce soir, la salle du Teatro Regio se prolonge sur le plateau, en projetant les images des loges et du lustre sur les pendillons et un écran au fond. Un monte-charge au centre de la scène monte et descend les sorcières, Duncan et ses hommes, des alignements de chaises ou encore certains protagonistes. Mais la mise en route de cette machinerie s’avère problématique, avec un malheureux bruit de sifflement en fonctionnement. Autres choix discutables, c’est Macbeth qui lit sa lettre et non pas sa Lady, ou encore Banquo et son fils déjà ligotés avec un bandeau sur les yeux quand le père dit « Ô mon fils, va moins vite », alors qu’ils sont allongés à terre depuis une dizaine de minutes… Les pendillons se lèvent en seconde partie pour être remplacés par de hautes grilles, comme une prison lorsqu’elles se ferment. Caractéristiques de la version parisienne, les ballets sont dansés, en gestes régulièrement saccadés, par trois fausses Lady et un faux Macbeth, tandis que les deux protagonistes miment à l’avant.
Le meilleur pour la fin : la formidable direction musicale de Roberto Abbado, dont la beauté contraste à plusieurs reprises avec l’illustration visuelle. Pleine de relief et de souffle, cette fosse porte le drame dès l’Ouverture, le chef variant entre tutti solennels, majestueux, et petits détails des bois ou des cordes [lire nos chroniques de Tableaux d’une exposition, La donna del lago, Mosè in Egitto, I vespri siciliani, Le siège de Corinthe, Le trouvère, Luisa Miller, La forza del destino, enfin de Bianca e Falliero ossia Il consiglio dei tre]. Les musiciens de la Filarmonica Arturo Toscanini suivent de près ses indications, d’un large spectre entre éclat et mesure, les artistes du Coro del Teatro Regio di Parma y mettant également du cœur et du sérieux, comme dans leur dernier numéro, Macbeth ! Où donc est-il ce lâche usurpateur ?, pris d’abord d’un ton peu martial pour s’épanouir ensuite, crescendo.
IF