Chroniques

par laurent bergnach

musiciens de l’Orchestre National de France
création de Gershwin’s Spirt de Didier Benetti

Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon / Corum – Opéra Comédie
- 18 juillet 2013
création de Gershwin’s Spirt de Didier Benetti, au Festival de Radio France
© carl van vechten – gershwin en 1937

Alors qu’il fête au printemps prochain ses quatre-vingt ans d’existence, l’Orchestre National de France se voit offrir une pleine journée de rencontres avec le public au cœur de l’édition du festival qu’organisent, cette année encore, Radio France et la ville de Montpellier (du 11 au 25 juillet). Avant la réunion de la formation au complet, ce soir (Adams, Copland, Dvořák), de petits ensembles à vents, percussions, puis cordes (Chausson) offrent tout d'abord des programmes chambristes diversifiés… et gratuits !

Flûte, hautbois, clarinette, cor et basson sont ainsi réunis pour La cheminée du Roi René Op.205 (1941), une pièce de près d’un quart d’heure signée Darius Milhaud, adaptée d’une musique de film qu’Honegger, Désormière et lui-même avaient eu en charge de concevoir (Cavalcade d’amour, 1940). Cette suite, qui évoque le roi d’Anjou (1409-1480) en train de cheminer dans son fief, comporte sept mouvements contrastés : Cortège à l’élégance pastorale, le tendre Aubade, Jongleurs plein de cordialité, La Maousinglade aux échos de berceuse bretonne, l’enjoué Joutes sur l’arc à la ritournelle dansante, Chasse à Valabre et ses sonneries champêtres, enfin Madrigal nocturne, pour le moins nuancé. De Debussy, Philippe Pierlot – membre de l’ONF depuis 1976 – livre ensuite Syrinx (1913), avec droiture et sans s’alanguir. Cet esprit français « début de siècle » est renforcé par la présence du Divertissement Op.6 (1906) d’Albert Roussel, qui permet aux solistes de se distinguer dans les passages vivaces comme dans certains plus tendres.

Ces pièces alternent avec celles pour cuivres réunis en trio – l’anecdotique Sonate pour cor, trompette et trombone (1922) de Poulenc, où s’entendent mouvements perpétuels et rêveries de corrida –, mais surtout en quintette (deux trompettes, cor, tuba et trombone). Avec ses cavalcades vite lassantes, Mini Overture (1982) de Lutosławski ouvre un programme qui se termine avec Scherzo (1963) de John Cheetham (né en 1939), une page brillante et assez syncopée en forme de bande-son idéale pour un western à la frontière du Mexique, et Jive For Five de Paul Nagle (né en 1947), créateur qui dévoile ici sa nature de trompettiste proche du milieu jazz-pop. Une partie de ce programme sera donné à Pérols (19 juillet), puis à Castelnau-Le-Lez (20 juillet).

Nous avons juste le temps de rejoindre l’Opéra Comédie que déjà résonne Output (2011), une courte page pleine d’énergie de Didier Benetti (né en 1960 et timbalier de l’ONF depuis 1984), qui nécessite batterie et bidons. Près de trois fois plus longue, Hook (1992) du Cornouaillais Graham Fitkin (né en 1963) permet à quatre marimbas d’installer un climat palpable, à la fois tribal et exotique. Malheureusement, on s’en lasse vite… Steve Reich (né en 1936) fait aussi appel à deux de ces instruments boisés pour Mallet Quartet (2009) ; ils imposent une couche sombre et presque angoissante que vient napper la brillance douce-amère de deux vibraphones. Le bel échafaudage se déstructure dans le mouvement médian avant de s’imposer de nouveau, dans la vivacité et la joie franche, cette fois.

« Mélodique, rythmique et virtuose », telle se veut Gershwin’s Spirit, œuvre d’un quart d’heure donnée en création mondiale. Sur les pas de son confrère lyonnais Gérard Lecointe qui avait adapté Bernstein et son célèbre West Side Story [lire notre chronique du 14 mars 2006], Didier Benetti rend hommage au frère d’Ira en prenant appui sur cinq partitions des plus connues : Porgy ans Bess, Un Américain à Paris, Rhapsodie in Blue, Concerto en fa et Ouverture cubaine. Klaxons, sifflet et cloches tubes viennent pimenter cet éloge de la liberté. Le programme s’achève avec The Gene Pool (1994) de l’Américain Steward Copeland (né en 1952) – mieux connu comme ancien batteur du groupe The Police, et compositeur de cinéma – qui rappelle assez la musique transversale que défend le groupe Bang on a Can All-Stars [lire notre chronique du 12 mars 2007], et avec Balounga, toujours de Benetti, donné en bis.

En orientant le concert vers le rythme et la danse, nos six percussionnistes – Benetti, Curt, Desforges, Jodelet, Lenert et Rancitelli – lui ont donné un aspect festif indubitable, et démontré une coordination à toute épreuve. En ce qui nous concerne, regrettons juste qu’ils n’aient pas plus panaché leurs interventions dans une ville où, il y a quelques mois, Les Percussions de Strasbourg avaient séduit les mélomanes massés au Corum en diversifiant les climats grâce aux techniques les plus variées (bois, eau, sable, etc.) [lire notre chronique du 12 janvier 2012]. À l’instar de la tournée mentionnée ci-dessus, ces pièces pourront être (ré)entendues à Sète (19 juillet), Fourques (20 juillet), Narbonne (23 juillet) et Perpignan (25 juillet).

LB