Chroniques

par bertrand bolognesi

Myung-Whun Chung, piètre mahlérien ?
Orchestre Philharmonique de Radio France

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 27 et 29 octobre 2004
Gustav Mahler (1860-1911), « Mon temps viendra »...
© dr

La nouvelle aventure de l'Orchestre Philharmonique de Radio France commença mercredi. Elle ponctuera toute la saison jusqu'au 10 juin. Faire entendre l'intégralité des symphonies de Gustav Mahler au public parisien est un vaste projet duquel on attend de grands moments de musique, de redécouverte et d'émotion. Mon temps viendra, exposition monographique consacrée au compositeur réalisée par la Médiathèque Musicale Mahler, s'ouvre au public dès ce premier concert, au Théâtre des Champs-Élysées.

La soirée débutait par l'Adagio de la Symphonie n°10 dont on connaît quelques achèvements des mains de Barshaï ou de Cooke, entre autres. Maître Chung a choisit de faire entendre ce fragment, mis en exergue d'une programmation par ailleurs rigoureusement fidèle à la chronologie des œuvres. Outre une interprétation relativement composite qui semble n'avoir pas su décider entre plusieurs choix dynamiques possibles, la lecture de cette âpre page parut étrangement extérieure. Avec un temps dangereusement flottant qui entraîna des attaques inévitablement incertaines, une politesse précautionneuse quant aux excès intrinsèques à la partition, un étirement épuisant de certaines phrases sans parvenir à les habiter, cette lecture s'est avérée bien peu satisfaisante.

La seconde partie du concert nous transportait quelques vingt ans plus tôt, avec l'audition de la Symphonie en ré majeur n°1. Si l'Adagio précédent n’enthousiasmait guère, l'écoute d'une exécution approximative déçoit plus encore. Avec un Langsam imprécis, un deuxième mouvement moins chaotique, un Feierlich und gemessen bien amorcé mais qui trop vite s’égare, une fin surcontrastée dont les tutti s’affirment plus bruyants que puissants, on se demande ce qui se passe. Myung-Whun Chung sait autrement conduire des partitions parfois plus exigeantes ; aussi ne comprend-on pas qu'il présente aujourd'hui un travail si peu abouti.

Le surlendemain, dans la Symphonie en ut mineur n°2 « Résurrection », on rencontre les mêmes soucis. Si certains traits sont parfois abordés avec un esprit chambriste plutôt intéressant, ils souffrent bien souvent d'une réalisation hasardeuse. Unissons improbables, soli malpropres, décalages nombreux… que se passe-t-il ? Les choses finissent par trouver un certain ordre avec l'intervention des voix. Petra Lang livre un chant d'une grande plénitude, tandis que Christine Schäfer éclaire l’exécution de ses aigus angevins. Le Chœur de Radio France se montre soigneusement équilibré et fort efficace.

Début de saison chargé, deux concerts très rapprochés, peut-être une certaine tension pour ce« lancement » : tous ces facteurs expliquent peut-être, s’ils ne les excusent pas, les premiers pas mal assurés d'un cycle Mahler qu’on espère voir grandir plus harmonieusement qu’il naît.

BB