Chroniques

par jérémie szpirglas

Natalia Gutman joue le Concerto n°2 de Chostakovitch
Youri Temirkanov dirige l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg

Symphonie en sol majeur Op.88 n°8 de Dvořák
Théâtre des Champs-Élysées
- 29 novembre 2011

Une soirée sans, un concert sans…
Ça arrive, même aux meilleurs. C’est indubitablement le cas de Natalia Gutman, ce soir. La violoncelliste russe, qu’on a connue autrement plus inspirée, notamment dans ce Concerto en sol mineur Op.126 n°2 de Chostakovitch, se révèle bien en dessous de ce à quoi elle nous a habitués. Des phrasés triviaux, un timbre grossier, son interprétation est aujourd’hui bien plate, sans âme. Derrière une soliste aussi laborieuse, l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg se trouve bien dépourvu, sans but, sans leader à suivre, sans rien pour le galvaniser. C’est donc, malgré tous les efforts de Youri Temirkanov à sa tête, un orchestre maladroit et bancal, qui attend de sa soliste une étincelle qui ne viendra pas. Ou beaucoup trop tard. Et l’atmosphère d’entre-deux, de mystère, de rêverie au travers du no man’s land, cette atmosphère cryptique et sombre qui plane sur la partition de Chostakovitch, n’est de fait pas au rendez-vous.

La seconde partie verra toutefois l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg renaître de ses sens. Comme on prend une respiration bienvenue après une trop longue apnée, l’orchestre s’élance, enfin libéré dans une Symphonie en sol majeur Op.88 n°8 de Dvořák absolument fabuleuse. D’emblée, dès les premiers accords du choral introductif, c’est un geste généreux, aérien, plein d’humour. Un geste hautement virtuose, avec des tempi extrêmement enlevés (trente-cinq minutes à peine pour jouer une œuvre d’environ quarante-cinq habituellement). Sous la baguette magistrale de Temirkanov, c’est la largesse de l’orchestre de Dvořák qui prend vie, avec ses évocations des grands espaces et son romantisme débridé, sans une once de nombrilisme. Le deuxième mouvement, enchanteur et pastoral, coule avec naturel et nonchalance. Le merveilleux Scherzo est dansant et fantastique – et Temirkanov parvient à marquer chaque section d’un caractère propre, un caractère affirmé et toujours d’une grande justesse pour bâtir un véritable monument. Quant au final, il est tout simplement exhilarant, on en redemande – et Temirkanov et son orchestre se relance en guise de bis dans le Scherzo. Bref, un vrai plaisir, qui rattrape largement cette si ennuyeuse première partie.

JS