Chroniques

par bertrand bolognesi

Nikolaï Lugansky et John Axelrod
cycle Beethoven de l'Orchestre de Paris

Théâtre Mogador, Paris
- 27 avril 2005
le chef américain John Axelrod dirige pour un soir l'Orchestre de Paris
© dr

Poursuivant le cycle Beethoven entreprit en début de cette saison, l'Orchestre de Paris ouvre ce concert par une page plutôt rare : l'Ouverture d’Alfonso und Estrella, opéra de Franz Schubert que nous présentions il y a quelques semaines à l'occasion de la parution vidéo [lire notre critique DVD]. Avec sa surenchère systématique de tous les effets, la proposition de John Axelrod n'est guère convaincante.

Nikolaï Lugansky fait son entrée en scène, portant la toute première phrase du Concerto en sol majeur Op.58 n°4 de Beethoven dans un climat recueilli qui rompt immédiatement avec ce que l'on vient d'entendre. L’artiste russe construit un Allegro moderato d'une grande clarté, taille certains traits dans la roche, au service d’une lecture à la fois précise, délicate et puissante. Au chef d’alors s’avérer attentif, soucieux des équilibres, dans une saine sobriété de ton. Puis le soliste s'empare de l'œuvre, donnant un Andante con moto personnel, extrêmement phrasé, un rien emphatique, dans une sonorité beaucoup plus ronde. Survient une mélancolie un peu lasse, à peine suggérée. À l'opposé, le chef surarticule les interventions de l'orchestre, partageant peu les velléités méditatives du pianiste. Dans le dernier mouvement, Lugansky réalise le miracle de réunir les deux tendances précédentes, soutenu par un remarquable travail de chaque pupitre. Il affirme une hargne rythmique qui rend nécessaire chaque phénomène de répétition, et s’engage fermement dans le clavier, avec une expressivité incisive. Plus la fin approche, plus le trait est forcé, cependant, terminant dans un brio spectaculaire dont il ne reste pas grand'chose.

La Symphonie en ut majeur Op.21 n°1 poursuit le programme. Axelrod propose un premier mouvement soigné qui, d'une certaine retenue pour l'Adagio initial, avance de plus en plus vers la démonstration dans l'Allegro. Certes, l'énergie en est plutôt belle, mais peut-être conviendrait-il de la mieux canaliser. À partir de l'Andante, le chef fait entendre les qualités techniques des musiciens parisiens. La rutilance choisie impressionne, certes, mais où donc est passée la musique ? Les contrastes sont exagérés, dans une dynamique de passage en revue. Très marqué, le Menuet accuse une balourdise plus évidente encore, de même qu’un Finale sans esprit.

Pour finir, l'Ouverture Leonore III alterne des soli minutieusement réalisés que la conduite met remarquablement en valeur à des tutti brouillons, parfois même bruyants, comme s'ils mêlaient Berlioz et Varèse dans le même shaker. Entendu il y a deux ans dans Dvořák, ce chef révèle les mêmes travers qu’alors [lire notre chronique du 6 juillet 2003] ; il est jeune, et bien que ce ne soit pas suffisant c'est déjà beaucoup de savoir faire sonner un orchestre. On lui souhaite de pour pouvoir aussi se préoccuper de musicalité en mettant à profit des qualités qui sans cela paraissent des défauts.

BB