Chroniques

par gilles charlassier

Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg
Nelson Freire et Iouri Temirkanov

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 14 janvier 2010
Nelson Freire joue Schumann avec le Philharmonique de Saint-Pétersbourg
© decca

Il peut paraître déroutant de commencer un cycle Brahms par le Concerto en la mineur Op.54 de Schumann. Certes, les liens entre l’aîné et le cadet sont connus, et la mise au premier plan du soliste chez l’époux de Clara Wieck se retrouvera dans le Concerto pour piano Op.83 n°2 du natif de Hambourg. La substitution de l’opus schumannien à l’opus 15 de Brahms n’est peut-être pas, en fin de compte, une trahison, en ce sens que l’écriture du premier ouvrage pour piano et orchestre du jeune Brahms a une allure plus symphonique si on le compare aux deux œuvres précitées.

Le toucher délicat de Nelson Freire souligne l’élégance de la partition de Schumann. Les accents tourmentés sont contenus au profit d’un déploiement de la polyphonie. Le clavier du compositeur romantique reconnaît Bach pour maître, ce qui est sensible dans la cadence du premier mouvement. Les modulations et les climats se succèdent en bonne intelligence, avec un sens du moelleux reconnaissable. Le second mouvement, Intermezzo, Andantino grazioso, met en valeur la rondeur du violoncelle et le raffinement du piano. L’Allegro vivace final, joué attaca, fait ressortir l’énergie de la composition. Les mains du pianiste brésilien esquissent des gigues entre les touches blanches et les noires, tandis qu'Iouri Temirkanov se contente d’accompagner sobrement le soliste. En bis, c’est un Intermezzo Op.118 de Brahms, aux couleurs délicatement automnales, qui est offert.

La Symphonie en ré majeur Op.73 n°2 de Brahms est parfois considérée comme sa Pastorale. À la tête de l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg, Temirkanov, en faisant preuve de mesure dans la battue rythmique, magnifie la beauté des couleurs d’une partition tout en modération. Le premier mouvement, Allegro non troppo, fait entendre une certaine robustesse. L’ampleur des violoncelles participe à la gravité qui affleure dans l’Adagio non troppo. L’Allegretto grazioso, quasi andantino est un mouvement cantabile qui module vers une discrète mélancolie tout à fait dans la demi-teinte associée au compositeur. Le finale, Allegro con spirito, montre une vitalité que le chef russe maintient dans les limites du beau son. Pour saluer le public, il joue une page d’Elgar où l’on devinerait presque des affinités slaves.