Chroniques

par bertrand bolognesi

Pierre Boulez dirige l’Ensemble Intercontemporain
œuvres de Carter et Boulez

Cité de la musique, Paris
- 24 mars 2009
le compositeur américain Elliott Carter, 101 ans !
© dr

L’avant-veille de ses quatre-vingt quatre printemps, nous retrouvons Pierre Boulez à la tête d’un des concerts du cycle Répéter/Varier présenté par la Cité de la musique. Il revient à Hideki Nagano d’ouvrir la soirée avec Incises, page pianistique que Boulez destina au Concours Umberto Micheli de Milan, il y a quinze ans, et qui ferait ensuite l’objet d’une extension comme il en possède l’art. D’une sonorité moins brillante et claire qu’à l’accoutumée, sous ces doigts Incises s’orne d’une couleur fondue, d’une pédalisation parfois un rien copieuse, aussi, d’un halo déjà orchestral, au fond.

Le musicien français a maintes fois joué la musique de son ami américain Elliott Carter, dont le Concerto pour clarinette qu’il a créé ici-même en janvier 1997. Pourtant, il semble bien qu’arrive seulement ce soir cette sorte de distance particulière qui permet le passage abrupt d’un caractère à l’autre en toute souplesse. Les différenciations dynamiques gagnent une exceptionnelle clarté, une évidence médusante où l’œuvre déploie ses contradictions dans une fluidité inattendue. Sa profonde virtuosité – redoutable, assurément – rencontre en Jérôme Comte (qui la donne pour la première fois) un serviteur idéal. Sa clarinette s’orne d’une sonorité riche, séduisante, lumineuse et chatoyante tout à la fois, le jeu d’une précision remarquable qui jamais ne semble soumise à la respiration (qui se laisse oublier), puissant et rayonnant comme aucun autre. L’on demeure pantois face à l’énergie et l’agilité de ce musicien.

Après l’entracte, la boucle se referme le plus logiquement qui soit avec Sur Incises, pièce pour trois pianos, trois harpes et trois percussions/claviers dont Boulez acheva la seconde version en 1998 et qui, comme suffisamment son nom l’indique, explore la petite Incises précédente avec cet instrumentarium conçu comme l’extension du piano initial. La lecture de Boulez s’enrichit d’exécutions en exécutions, comme en témoigne celle d’aujourd’hui, plus libre, détendant les passages semi-dirigés. De fait, les contrastes de tempo mordent plus violemment encore, dans cette souplesse que prit peu à peu l’EIC à jouer et rejouer l’œuvre.

BB