Chroniques

par jérémie szpirglas

Quatuor Mosaïque

Théâtre des Bouffes du Nord, Paris
- 10 mai 2010
Joe Kohen photographie le Quatuor Mosaïque
© joe kohen

À sa création en 1987, le Quatuor Mosaïque est comme une bouffée d’air frais dans le monde du quatuor. Un ensemble qui joue sur instruments d’époque, et envisage ses lectures non sous l’angle illusoire d’une quelconque authenticité mais dans un geste recréateur ; des musiciens qui ont à cœur de replonger l’œuvre dans son contexte historique, social, musical et instrumental pour mieux la faire vivre. Grâce, élégance, verdeur, fraicheur – autant d’adjectifs qui viennent à l’esprit pour qualifier ce travail de dépoussiérage d’un genre alourdi par diverses traditions et, paradoxalement, par son histoire chargée de chefs-d’œuvre – sur lesquels chaque compositeur à son tour repasse une couche de sa peinture personnelle.

Aujourd’hui, écouter le Quatuor Mosaïque est un bonheur toujours renouvelé. Mus par les mêmes exigences, les musiciens de l’ensemble franco-autrichien ont peaufiné entre temps leur technique et, si c’était encore possible, gagné du métier. Et ça se sent : l’homogénéité du son, la rondeur des articulations, le primesautier des menuets, l’idéal de l’équilibre et la magie des lignes de contrepoint qui s’enchevêtrent avec une jouissance aérienne et merveilleuse. Seulement, vingt-trois ans, c’est long… Et on ne peut, ce soir, dans le superbe décor des Bouffes du Nord, réprimer un sentiment d’assagissement dans ce qu’ils nous donnent à entendre. Bien souvent, l’énergie manque, remplacée par une tiédeur confortable, que ce soit dans le Quatuor n°10 de Schubert ou dans le Quatuor n°3 de Ferdinand David – et oui, ce ne serait pas un concert du Quatuor Mosaïque si le programme ne nous réservait une petite rareté comme celle-ci ; et celle-ci est admirable, notamment ses deux derniers mouvements, défendus avec cette admirable conviction qu’on lui connaît. Seuls les mouvements rapides réveillent un peu – les mouvements plus modérés se complaisant un brin dans une contemplation de la perfection sonore de l’ensemble…

C’est dans le Quatuor en la mineur Op.51 n°2 de Brahms que l’on retrouve avec bonheur la singularité qui nous a fait tant aimer ces quartettistes : ils savent si bien faire respirer le lyrisme, ne jamais alourdir le véhément… Bref, ils défont la partition de son habit de puissance prussienne qu’on lui entend trop souvent pour laisser s’épanouir l’élégance, la finesse et l’intelligence de ce chef-d’œuvre au charme, somme toute, très viennois.

JS