Chroniques

par cecil ameil

récital Benjamin Glorieux
œuvres de Chong, Kodály, Lindberg et Swinnen

Flagey, Bruxelles
- 19 septembre 2008
récital du jeune violoncelliste Benjamin Glorieux au Flagey (Bruxelles)
© dr

Rien de spectaculaire dans le jeu de ce violoncelliste belge de vingt-neuf ans, largement versé dans la musique contemporaine et expérimentale, au jeu calme, posé et réfléchi mais qui pourtant a décidé de faire entendre sa version d'une pièce de choix que l'on pourrait qualifier à la fois de virtuose et de grand classique : la Sonate Op.8 de Kodály. Benjamin Glorieux est au Flagey pour un Piknikmusik, ainsi nommé pour désigner un concert de milieu de journée (le vendredi) à l'heure « de table »… ou du sandwich.

Benjamin Glorieux partage sa concentration en un mélange d'ingénuité et de pudeur, très ouvert au public (auquel il s'adresse volontiers), mais éloignant la musique des tendances « communicantes » aujourd'hui à la mode. Aucune démonstration de virtuosité ; l'effort est invisible, la détente et la sérénité laissent pantois et le jeu a beaucoup de contenance : on écoute de la musique, on n’est pas au cirque. Ce qui n'empêche pas l'artiste d'avoir le sens de la mise en scène.

Aussi bien dans le choix des morceaux que dans leur interprétation, grande place est laissée au silence et aux respirations. On suit volontiers les amplitudes du corps qui semble lui-même entrer en résonance sous l'effet des vibrations qu'il a suscitées. Cela peut paraître assez trivial et peu impressionnant en début de concert, avec Souvenir de l'Île de Koch de Peter Swinnen (2006), musique minimaliste réduite à des coups d'archets successifs agrémentés de quelques pizzicati, ici installée dans l’intime – la lumière est focalisée sur le violoncelliste, un pupitre en arrière-plan et la boîte de l'instrument, tamisée à l'extrême. Puis Stroke de Magnus Lindberg (1984) a tôt fait de dissiper toute torpeur, tant l’expressivité s’avère déclarative : grincements et sifflements s'enchaînent dans une fougue qui demeure toutefois raisonnable. Cette belle pièce du compositeur finlandais exige une virtuosité certaine dont se joue notre violoncelliste avec beaucoup d'aisance.

Notre curiosité est en éveil : on se demande comment l'artiste s'attaquera au monument de Zoltán Kodály (1915), en général rendu sous une forme hyper expressive et tendue, pour ne pas dire explosive si l'on pense à certains interprètes – de la même génération, la Russe Tatania Vassilieva, par exemple qui se produisait dans cette même salle il y a trois ans [lire notre chronique du 19 novembre 2005].

La présente version est une indéniable réussite. Avec une entrée en matière puissante mais un son toujours rond, souple et ample, une succession de forte et de piano rendue sans heurt, un jeu de cordes très souple avec des accents de guitare et de violon encadrés des grondements de la table d'harmonie, il semble qu’o puisse déchiffrer plus avant ce jeu à la grande richesse expressive. D'une certaine manière, on entendait ce qu’on voit, comme si le message musical traduisait exactement les nuances d'une pulsation biologique. La musique prolonge les élans et les intentions partagées de l'instrumentiste. Benjamin Glorieux accompagne le violoncelle sans le brutaliser ; il le fait tour à tour chanter, grincer, minauder même, sans jamais le forcer. Le musicien invite son instrument à s'exprimer le plus largement et le plus librement possible.

La musique de Kodály en ressort dense et complexe, plutôt mélodieuse, offrant une lisibilité multiple, contrairement à d'autres interprétations sans doute plus impressionnantes mais tranchées et sans ambigüité. Sous les doigts du Belge se côtoient de nombreuses couleurs, dans chaque phrase. L'auditeur s’y sent plus libre et mieux servi par la richesse mélodique et rythmique de l'œuvre qui sans cesse mêle joie et désespoir, tirés du folklore hongrois le plus authentique.

Avec, en final, une pièce de la Malaisienne Kee-Yong Chong, Temple bell still ringing in my heart (2002), le retour au climat précieux du début ne semble pas incongru, bien que l'intervention en pointillé de la voix humaine (celle de Glorieux qui tour a tour muse et s'exclame) réserve quelques surprises.

CA