Chroniques

par laurent bergnach

récital David Violi
œuvres d’Alkan, Fauré et Séverac

L’Atelier d’Euterpe / Institut National des Jeunes Aveugles, Paris
- 11 octobre 2013
récital David Violi | œuvres d’Alkan, Fauré et Séverac
© bernard martinez

Natif de Nancy, le pianiste David Violi poursuit des études musicales à Lyon, dans la classe de Géry Moutier, avant de se lancer dans une carrière internationale – outre les nombreux concerts en Chine, Suède ou Moldavie, signalons une résidence d’artiste au Canada et un premier prix au Concours international de piano de Sakai (Japon). Ce soir, dans le cadre de la saison de L’Atelier d’Euterpe et avec le soutien du Palazzetto Bru Zane qui fête le centenaire Alkan, il propose un programme français, enchaînant les pièces sur un Bösendorfer au son chaleureux et enveloppant, dans la Salle André Marchal qui ne l’est pas moins.

Même s’il fut un temps proche de la Schola Cantorum au sortir de son apprentissage toulousain, Marie-Joseph-Alexandre Déodat de Séverac (1872-1921) s’avère le chantre de la musique régionale, marqué par une enfance en Haute-Garonne – à Saint-Félix-Lauragais plus précisément, où meurt son père, le peintre Gilbert Alexandre de Séverac qui pratiquait le piano, la flûte et l'harmonium. Cerdaña (1911) raconte en cinq parties un petit voyage sur les hauts plateaux de Cerdagne, dans les Pyrénées orientales. De manière tendrement poignante et pénétrée, David Violi en donne l’avant-dernière, Les muletiers devant le Christ de Lliva, une pièce qui saisit par la concentration de sentiments évoqués, du recueillement à la ferveur, frôle les veines épique et orientaliste et répond au souhait du compositeur d’un art capable « de nous élever au-dessus des sons ».

Pour sa part, Charles-Valentin Alkan (1813-1888) appartient à la génération romantique qui prit racine sans toujours fleurir de ce côté-ci de la frontière, en artiste pourvu d’une nature timide et fière qui l’empêche de « faire des avances au public », comme l’écrit le musicographe Joseph d’Ortigue. L’ami de Liszt, Chopin et Fétis achève ses Préludes Op.31 en 1844, dont sept des vingt-cinq sont joués ici. Se succèdent ainsi l’entrainant Assez lentement, Ancienne mélodie de la synagogue qui demande de prendre son temps, le galopant et virtuose Librement mais sans secousses, La chanson de la folle au bord de mer dont la douce-amertume réserve une tension hystérique en son mitan, le triste et fané Le temps qui n’est plus, Modérément vite et bien caractérisé qui emprunte l’énergie d’une polka, ainsi que la lumineuse Prière adressée avec simplicité.

Composé à une période où Gabriel Fauré (1845-1924) est sensible aux influences allemandes ou italiennes, Trois romances sans parole Op.17 (1883) s’avère plus tourmentée et lyrique que le romantisme d’Alkan – tout en étant plus conventionnel. Les deux Barcarolles qui suivent ne peuvent donc être confondues : l’opus 65 n°6 de l’aîné s’avère délicat et profond, cachant ses angoisses sous la ritournelle chopinienne, tandis que l’opus 26 n°1 du cadet, avec ses arpèges ô combien fluides sous les doigts du pianiste, ondoie sans noirceur aucune.

Après l’entracte, rejoint par des partenaires qui forment avec lui le Quatuor Giardini – Pascal Monlong (violon), Caroline Donin (alto) et Pauline Buet (violoncelle) –, le pianiste aborde le Quatuor avec piano en ut mineur Op.15 (1877) de Fauré en choisissant une avancée opiniâtre plutôt qu’alanguie. Seule l’ultime partie, peut-être, le mettra au diapason d’un lyrisme assez ample des cordes, avant un bis qui a toute sa place ici : le mouvement lent du Quatuor avec piano en si bémol majeur Op.69 n°1 de la compositrice Mel Bonis (1858-1937), lequel permet aux solistes une petite mise en avant respective.

LB