Chroniques

par monique parmentier

récital Farinelli d’Ann Hallenberg
Les Talens Lyriques, vingt ans !

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 9 mai 2011
© éric larrayadieu

Les Talens (sans « t », s’il vous plait) Lyriques fêtent cette année leurs vingt ans d’existence. À cette occasion, ils nous ont proposé un véritable feu d’artifices, en compagnie du mezzo-soprano Ann Hallenberg, à travers un récital dédié à Farinelli. Quoi de plus normal, en somme, que de choisir de rendre hommage au castrat le plus connu du public grâce au film de Gérard Corbiau, puisqu’ils participèrent à la création de la bande son de ce film mémorable. Et même si l’on sait que ce dernier contient nombres d’approximations, beaucoup d’entre nous, grâce à lui, ont découvert le drame humain de ces chanteurs qui en Italie firent la gloire de l’opéra seria.

En cette soirée d’anniversaire, c’est un Christophe Rousset survolté, où peut-être en état d’apesanteur, qui dirige son ensemble avec ferveur, dynamisme et élégance. L’émotion intériorisée du chef et de son ensemble permet d’offrir des instants d’une intense ferveur. Les cordes moelleuses et souples, les cors brillants, le théorbe et le clavecin aux couleurs moirées, les hautbois insolents partagent une belle complicité entre eux et avec la chanteuse. Quelle énergie virevoltante dans les airs de bravoure et dans la Symphonie en sol mineur Op.6 n°6 de Johann Christian Bach ! La direction pleine de fougue de Christophe Rousset emporte cette œuvre pourtant si classique aux lisières tourmentées du romantisme. Pas de doute, la maturité des Talens Lyriques est celle de la couleur et des ombres, celle d’un orchestre qui chante.

Leur entente avec Ann Hallenberg autorise la cantatrice à libérer pleinement toute sa virtuosité. En grande actrice, elle éblouit dès son entrée sur scène par un costume qui, loin des codes du récital, séduit par sa fantaisie à l’exotisme baroque flamboyant. Elle interprète avec un plaisir et un sens dramatique évidents les multiples personnages chevaleresques et enchantés présents dans ce programme. Sa souplesse vocale, son souffle parfaitement maîtrisée, son phrasé aux inflexions nuancées assurent un abattage de tragédienne née. La beauté ensorcelante du timbre gagne les cœurs. Ainsi parvient-elle à donner un véritable caractère aux airs de Porpora ou de Giacomelli qui en manquent tant parfois. Et quel panache dans les deux airs de Leonardo Leo, Che legge spiatata et Cervo in bosco, sans compter trois bis magnifiques qui concluent ce concert.

Ce récital est spectaculaire par l’engagement et la qualité des interprètes. Lorsqu’on lui amène sur scène un gâteau d’anniversaire brinquebalant, l’émotion de Christophe Rousset est bien réelle. Alors, s’il devait y avoir un seul regret à la fin du concert, ce serait ce Théâtre des Champs-Élysées à moitié vide. Mais où était donc passé le public parisien ? Ce programme faisant l’objet d’une tournée, ne boudez pas votre plaisir et ne le manquez surtout pas !

MP