Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Lusine et Sergueï Khachatryan

Théâtre du Châtelet, Paris
- 28 février 2003

Dans le cadre de ses Midis Musicaux, le Théâtre Musical de Paris fait entendre aujourd’hui un fort talentueux violoniste de dix-huit ans, né à Erevan : Sergueï Khachatryan, qui vit actuellement en Allemagne où il suit l’enseignement de Josef Rissin. Cet artiste a déjà commencé sa carrière de soliste avec l’Orchestre de la Radio de Francfort, l’English Chamber Orchestra, l’Orchestre de la Fondation Gulbenkian, le City of Bournemouth Symphony Orchestra, etc. Il joue ici en compagnie de sa sœur, Lusine Khachatryan, qui se révèle excellente pianiste.

Le récital est introduit par la Sonate pour violon seul en sol mineur BWV 1001 n°1 qui permet d’appréhender très directement le travail de Sergueï Khachatryan. Avec un Adagio pas trop étiré, sans excès d’expressivité, et une véritable qualité de son, le jeune homme suscite une écoute attentive et bienveillante de la part d’un public concentré. S’il faut rendre compte de quelques malencontreuses imprécisions dans le quatrième mouvement, la Fugue (II) bénéficie d’une exécution à la fois intelligente et sensible qui n’appuie jamais son architecture tout en usant de celle-ci pour fasciner l’oreille.

Rejoint par sa sœur, il offre la Sonate pour violon et piano en ré mineur Op.108 n°3 de Brahms. Si l’accompagnement du premier mouvement reste timide et par endroit un peu sourd, Lusine Khachatryan laisse pousser ses ailes dès après et donna les troisième et quatrième dans une étonnante richesse de contraste. Le violon s’avère montre hiératique dans l’Adagio, un brin follet dans le Presto agitato de la fin. On apprécie la sonorité moelleuse qu’il maintient sur ces pages, une sonorité chaleureuse, ronde.

Enfin, c’est à la Tzigane de Ravel qu’il revient de fermer ce moment, dans une exécution nettement moins convaincante. Certes, elle est très tzigane, indéniablement, mais trop peu ravélienne. Il s’agit d’une œuvre assez atypique dans le parcours du compositeur ; pourtant, à en lire certains passages, principalement au piano, on y reconnaît bien le maître, et s’il a pu s’inspirer ou pasticher, c’est sans doute dans un esprit qui s’éloigné peu de celui des chinoiseries ou turqueries de la musique française du XVIIIe siècle. Ici, le tempo est malmené, le son parfois heurté, brutal, ce qui ajoute un quelque chose de passionnel qui ne manque pas d’intérêt mais brise la distance intrinsèque à l’ouvrage. Bien que manquant de style, la fin de ce programme demeure un beau moment de violon.

On prendra certainement plaisir, dans l’avenir, à entendre Sergueï Khachatryan dans un concerto où l’ampleur (qui semble aisée) du son de son violon ne manquera pas de surprendre.

BB