Chroniques

par laure dautriche

récital Truls Mørk et Kathryn Stott
œuvres de Brahms, Chopin, Janáček et Schumann

Théâtre de la Ville, Paris
- 29 avril 2005
le violoncelliste Truls Mørk en récital (avec piano) à Paris
© dr

« On l’attendait depuis vingt ans ! » s’exclame un homme face à l’affiche. La présence en France du violoncelliste Truls Mørk est un événement. En 1982, il fait ses débuts en remportant le prestigieux Concours Tchaïkovski de Moscou. Vingt ans plus tard, demandé sur la plupart des scènes internationales, le (désormais) plus célèbre soliste norvégien étonne par son incroyable maîtrise. On regrettera toutefois le manque d’originalité de son interprétation de certaines œuvres. Ce grand homme d’un mètre quatre-vingt dix s’impose immédiatement par la pureté du jeu. Sa technique impeccable en fait pâlir plus d’un. Il présente un programme varié d’œuvres du XIXe siècle, avec des figures incontournables de l’âge d’or du romantisme.

Quelle aisance, dès les premières notes de la Sonate en mi mineur pour violoncelle et piano Op.38 n°1 de Johannes Brahms ! Noblesse, lyrisme et passion se succèdent dans l’Allegro initial. L’envoûtant premier thème gagne un sens différent à chacune de ses apparitions. Mørk donne une saveur particulière à chaque note. Plein de conviction dans cette oeuvre légendaire du répertoire, il conduit parfaitement son discours. Cette exécution réserve même quelques agréables surprises. Le mouvement suivant mêle un menuet puis un trio, vif et plein de grâce sous son archet léger.

Dans les trois Fantasiestücke Op.73 de Robert Schumann, l’extrême sensibilité des musiciens fait plaisir à voir. Tendresse et fougue se succèdent sans aucune démonstration de virtuosité. Le violoncelle sonne brillant et majestueux, avec un vibrato énergique sans inconfort. La pianiste reste parfois trop effacée, mais à l’écoute l’un de l’autre les deux chambristes touchent par leur élégance et leur naturel.

Avec Pohádka, c’est en un univers onirique et mystérieux que les deux instruments dialoguent. L'histoire du conte de fées, basée sur une légende slave d'après un poème de Vassili Joukovski, est la source d'inspiration de Leoš Janáček. Les pizzicati répondent aux accords légers du piano, l’archet sur la touche fait résonner les sons comme un écho. Le jeu imaginatif de Kathryn Stott et la finesse de Truls Mørk mettent en évidence les couleurs slaves de la pièce. Dans un esprit tour à tour inquiet, fiévreux ou apaisé, ils diversifient timbres et lumières. Leur jeu est évocateur et suscite l’imagination de l’auditeur.

La deuxième partie du concert s’avère moins convaincante.
Dans la Sonate en sol mineur Op.65 de Frédéric Chopin, un manque de relief de la part du violoncelliste, malgré sa délicate fraîcheur d’approche, déçoit quelque peu. Des arpèges fortissimo qui s’étalent sur tout le clavier à la douceur intériorisée du mouvement lent confiée au violoncelle, Chopin travaille sur les divers registres des instruments pour traduire les sentiments les plus variés. Pourtant, les deux complices ne mettent pas toujours en valeur cette diversité. Souhaitant peut-être respecter le souci d’ordre, d’équilibre et de rigueur du compositeur, Mørksemble parfois manquer de « courage », pourrait-on dire. Impressionnant de maîtrise pour certains spectateurs, pour d’autres conformiste, il n’en reste pas moins un maître dont remarquable est la carrière.

LD