Chroniques

par jérémie szpirglas

résidence Jonathan Harvey

Musique sur Ciel / Église Saint Michel
- 27 juillet 2009
le compositeur Jonathan Harvey en répétition au festival Musique sur Ciel
© emmanuel thomas

C’est un Schubert comme on aime à l’entendre. Pudique, retenu, et d’une fraicheur ingénue qui exsude une mélancolie d’émerveillement mêlée. S’installant avec bonheur dans un tempo large, le jeune pianiste Adam Laloum laisse le chant de la Sonate en la majeur D664 s’étirer avec une grâce tranquille, pleine de poésie. Il n’en fait pas trop, prend son temps et l’occupe pleinement, sans drame ni pathos inopportuns. Une simplicité dans l’énonciation du discours – accompagné d’une main gauche aux couleurs chaudes et enveloppantes – qui remplace avec un bonheur inattendu ce que d’autres y mettraient d’ardeur ou d’intensité. Dans l’acoustique particulièrement généreuse de l’Église Saint Michel, nul besoin de grands assauts lancés contre d’innocents moulins à vent. Des phrasés sensibles et intelligents suffisent à l’interprète pour nous tenir en haleine.

Ce moment d’émotion, qui témoigne de la maturité exceptionnelle du jeune pianiste (maturité bien cachée sous des dehors timides et tourmentés), est suivi d’un autre, bien différent, mais qui témoigne tout autant des qualités de la génération montante des solistes français. Appliqués, peut-être un brin trop ardents ou pressés, Charlotte Juillard (violon), Baptiste Vay (alto) et Yan Levionnois (violoncelle) s’emparent avec enthousiasme et sérieux du Trio à cordes de Jonathan Harvey. Alliant énergie explosive et précision dans leurs recherches de timbres, ils ont manifestement fait tous les efforts nécessaires pour pénétrer l’univers pour le moins hétéroclite et sinueux du compositeur anglais, en résidence à Cordes-sur-Ciel cet été. Ils possèdent au mieux cette partition contrastée dont ils montrent un visage plus vert qu’à l’accoutumée.

Le concert se conclut sur une interprétation du Quatuor en la mineur Op.13 de Mendelssohn qui n’a rien à envier à la première partie de soirée. Dotées d’un don théâtral unique parmi les quatuors de leur génération, les quatre filles du Quatuor Ardeo, dont régulièrement nous signalons le talent [lire notre critique de leur CD Kœchlin], se meuvent dans cette œuvre au charme juvénile et capricieux, excessivement opératique, avec un plaisir évident et partagé.

On est frappé par la clarté de leur lecture qui traduit une analyse creusée, mais non point inhibée, de la partition (une constante dans leur travail), ainsi que par leur travail exquis de justesse (dans les introductions des premier et second mouvements, notamment), par leurs dynamiques ciselées et l’énergie qu’elles dégagent. Aussi à l’aise dans le dialogue concertant de l’Adagio-Allegro Vivace d’ouverture que dans la fugue (qui rend ouvertement hommage à Bach) du deuxième mouvement, elles font des merveilles dans la pavane sensuelle de l’Intermezzo – avec cette grâce lente et aérienne d’un nuage éléphantesque se déplaçant majestueux dans un ciel de beau temps – et dans le Final rhapsodique où leur sens de l’agogique force l’admiration.

JS