Chroniques

par gérard corneloup

Requiem de Mozart par Leonardo García Alarcón
Fabio Biondi joue Brioschi, Corelli, Leclair, Locatelli et Vivaldi

Festival d’Ambronay / Auditorium de Lyon et Monastère royal de Brou
- 2 et 3 octobre 2014

Consacré pour l’essentiel au monde du baroque, mais abordant aussi volontiers celui de l’école classique, le Festival d’Ambronay quitte parfois les Pays de l’Ain pour porter la bonne parole musicale jusqu’à Lyon et son Auditorium Maurice Ravel. L’excursion de l’édition 2014 arrive avec deux piliers mozartiens, pages sublimes de la fin, écrites – et même inachevée, pour l’une d’entre elles – dans les derniers mois de la vie du compositeur : l’illustrissime Requiem K.626, précédé par le contemporain Concerto pour clarinette en la majeur K 622, lui aussi de 1791. Porteurs de cette bonne parole musicale : un chef qui a justement fait ses classes à Ambronay, Leonardo García Alarcón et ses troupes du New Century Baroque, associées au Chœur de Chambre de Namur, avec une brochette de jeunes solistes et un large public qui investit la vaste jauge du lieu (2000 places).

Pour commencer, Benjamin Dieltjens défend avec cœur, art et belle musicalité le Concerto K.622 – malgré un instrument un rien rétif dans le Rondo final –, en pleine synthèse avec une direction fine, aérée, équilibrant fort bien les plans sonores. Puis le maestro aborde un monde tout différent mais tout aussi bien construit, élaboré, pour cette messe des morts, ayant lui-même un rien œuvré dans l’élaboration des fameuses parties manquantes, sur lesquelles des générations de musiciens et compositeurs mirent la main. Dans une optique résolument théâtrale, dans le meilleur sens du terme, le résultat est expressif, séduisant, fascinant, d’une introduction – le célèbre Requiem æternam en ré mineur – plongeant d’emblée l’auditeur dans la magie du monde musical à Agnus Dei précédant la péroraison, en passant par les éclats terribles et rayonnants du Dies iræ. Solistes et musiciens sont au diapason, mais surtout les choristes belges : un modèle de d’expressivité. Amadeus comblé, donc !

Chef-d'œuvre de l'art gothique finissant et flamboyant, l’imposant Monastère royal de Brou (Bourg-en-Bresse, Ain) vient d’emporter la finale de l'émission Le monument préféré des Français (France 2). Si le cadre est superbe, l’acoustique est réverbérée, composite, au milieu d’un océan de détails sculpturaux – c’est dire si le risque phonique est ici important. Les mélomanes le constate avec ce concert que le festival a décentralisé là, se donnant pour mission d’illustrer le violon concertant des Lumière, tant français qu’italien, à travers le concerto de soliste avec cordes et le concerto grosso.

Le principal intérêt de cette soirée servie par sept instrumentistes seulement, dont les sons s’éparpillent un rien, est la découverte de pièces quasiment inconnues, telles l’intéressante Sinfonia funebre en fa mineur donnée en introduction et due à la plume alerte de Pietro Locatelli, décédé en 1764, et la Sinfonia en ré majeur d’Antonio Brioschi, dotée d’un fort bel Allegro d’ouverture, jouées en compagnie de partitions plus souvent abordées : le Concerto grosso n°12 de Corelli et son délicat Adagio du plus bel effet. La partie solistique s’avère nettement moins convaincante sous l’archet et la direction fusionnées, sinon toujours fusionnelles, de Fabio Biondi, artiste qui laisse des souvenirs éblouis dans la mémoire de bien des mélomanes. Les deux concerti pour violon de Jean-Marie Leclair, compositeur lyonnais disparu tragiquement en 1764, manquent d’allant dans les parties rapides et d’alacrité dans les mouvements lents.

GC