Chroniques

par bertrand bolognesi

Sextuor en ut majeur Op.37 d’Ernő Dohnányi
pour violon, alto, violoncelle, clarinette, cor et piano

Opéra national de Paris / Palais Garnier
- 3 avril 2011
Le compositeur hongrois Ernő Dohnányi, bel élégant talentueux
© dr

Voici un salon musical d’une cohérence notable : outre que toujours Brahms a jeté une oreille au monde hongrois et que Dohnányi partagea sa facture entre l’attrait pour la musique de ses Petites Carpates natales (Brattislava) et la culture allemande, l’aîné salua l’art du second en faisant programmer à Vienne son Quintette pour piano et cordes en ut mineur Op.1 de 1895. Pourtant, si le souvenir brahmsien s’affirme à plus d’un titre dans le Sextuor pour violon, alto, violoncelle, piano, clarinette et cor en ut majeur Op.37 composé par Ernő Dohnányi quarante ans plus tard, c’est à Richard Strauss que l’on pensera dès l’Allegro appassionato.

À cette lumière particulière des cordes, remarquée dans la Symphonie n°2 il n’y a pas si longtemps [lire notre chronique du 4 mars 2011] s’ajoutent ici l’emploi du cor comme l’écriture pianistique, bien qu’à sa manière elle lorgne aussi vers Mendelssohn. L’instrumentarium étonnant de cette œuvre permet des alliages audacieux qui directement renverront à l’orchestre. On goûte le grand lyrisme de la partie de premier violon, tenue par Thibault Vieux, malgré un violoncelle (Tatiana Uhde) assez exsangue, surtout dans les pizz’. Les quatre épisodes se suivent sans se ressembler. Après une tendre introduction, le brefIntermezzo s’inscrit sur une marche obstinée du piano, avec une farouche sonnerie du cor (Vladimir Dubois) et de la clarinette (Philippe Cuper). L’allure première de cortège militaire cède à plus d’élégance, peu à peu, avec toutefois une sècheresse de ton qui rappellera Kurt Weill. L’Allegro con sentimento et l’Allegro vivace final s’enchaînent, formant un bloc d’une quinzaine de minutes environ. Dans le chant gentiment aviné du troisième mouvement, au soleil doux de la clarinette, l’on déplore la raideur de jeu de Christine Lagniel au piano, décidément trop froid. Les tartes à la crème de l’opérette pestoise alternent avec les délices du kiosque. Ce Sextuor s’achève dans les bondissements enjoués d’un rythme syncopé où l’on verra bien plutôt l’inspiration tzigane qu’une improbable influence jazzique.

D’abord conçu pour quintette à cordes, puis repris pour deux pianos, c’est dans le quintette pour piano et cordes que l’Opus 34 (en fa mineur) de Johannes Brahms trouvera sa forme définitive. Si l’exécution de la pièce du trop rare Dohnányi bénéficiait d’un certain soin, on n’en saura dire autant de cette page. La sonorité del’Allegro non troppo demeure terne, les attaques des deux violons sont approximatives, l’Andante, un poco adagio n’est vraiment pas propre, la scie du Scherzo soûle et l’on sait gré au Finale de libérer nos oreilles.

BB