Chroniques

par laurent bergnach

Sortilèges et carafons
fantaisie lyrique de Stephan Grögler

Théâtre Mouffetard, Paris
- 16 avril 2011
Sortilèges et carafons, fantaisie lyrique de Stephan Grögler
© christophe dellière

Certaine depuis toujours que l’art lyrique n’est pas réservé aux adultes – « encore faut-il avoir l’envie et la manière de faire découvrir aux enfants un répertoire riche en aventures de tout genre » –, Gaëlle Méchaly en fut persuadée sans appel après avoir entendu son fils fredonner un air de Poulenc qu’elle répétait pour un récital. Ainsi est né Sortilèges et carafons, une fantaisie un brin iconoclaste à l’usage des plus jeunes qui regroupe une vingtaine de mélodies pleine d’humour et de tendresse, plus quelques pièces pour piano (Debussy, Guastavino, etc.) ; des mélodies d’une grande simplicité musicale choisies « non pas parce qu’elles avaient été composées pour des enfants, mais parce que les poèmes, la musique et la mise en scène possible pourraient éveiller leur curiosité ».

Et comment tenir en haleine ce public mieux qu’en créant un spectacle cathartique (tout en 3 D !), miroir de préoccupations familières ? Ainsi le spectacle commence-t-il par des scènes d’école où l’apprentissage de l’alphabet (Offenbach) et de l’arithmétique (Ravel) s’avère source d’abattement comme d’hystérie. Le chemin du retour est propice à se poser (avec Le secret, pièce émouvante de Sauguet) pour que des forces neuves soient investies dans le temps du jeu. On sort d’une boite quelques babioles avant d’incarner le monde avec son corps même : une truite amoureuse, un ours ou une sorcière (celle d’Humperdinck, matinée de Walkyrie et du rire de Vincent Price). Une Berceuse (Bizet) met alors fin à une journée riche en émotions.

Pour évoquer celles-ci (terreur, fantaisie, mélancolie ou cruauté), Gaëlle Méchaly ne se contente pas d’user d’un soprano chaud et corsé : elle se plie au souhait de Stephan Grögler de maintenir l’attention avec « des numéros qui s’enchainent comme dans une pochette surprise » – la dernière partie, notamment, exige de constantes transformations derrière un paravent. Sans rechigner à évoquer la biologie la plus triviale (Poulenc, Rossini) et à se mettre au piano – pour sa part, l’excellent Ezequiel Spucches se travestit en institutrice et chante à l’occasion –, elle donne beaucoup d’énergie à un spectacle intelligent qui limite les ajouts de textes à quelques introductions et clin d’œil (Cendrillon), l’essentiel étant dans la partition. Bravo !

LB