Chroniques

par hervé könig

Tisbe | Thisbé
pastorale de Giuseppe Brescianello

Buxton Festival / Opera House
- 12 juillet 2018
AU Buxton Festival, résurrection de la Tisbe de Giuseppe Brescianello
© conor muir-cochrane

Après Grange Park, Glyndebourne, Longborough et Garsington, cette tournée britannique se poursuit trois heures de route plus au nord : retrouvons donc le Buxton Festival où furent appréciés plusieurs spectacles, les étés précédents [lire nos chroniques d’Albert Herring, Der goldene Drache, Lucio Silla, Macbet et Y tŵr]. La particularité de ce festival est de sortir des sentiers battus, comme le montrent ces titres (il faut préciser que l’opéra de Verdi fut monté l’an dernier dans sa version originale, ce n’était donc pas un classique). Que voit-on aujourd’hui ? La Tisbe de Giuseppe Antonio Brescianello dont nos colonnes ont présenté l’enregistrement [lire notre critique du CD]. Le sujet de cette œuvre de 1718 est l'amour de Pyrame et Thisbée, qui inspira Shakespeare. Deux personnages, la bergère Licori et Alceste, fougueux chasseur d’abord épris de Thisbée, viennent commenter l’argument. La résurrection de Tisbe survient avec le tricentenaire de sa création.

Louable en elle-même, cette renaissance ne connaît pas encore de véritable production. Ici, c’est une mise en espace que propose Mark Burns, les chanteurs jouant les intentions en semi-situation devant les musiciens. Le sujet est abordé en costumes d’aujourd’hui, avec pour prétexte un pique-nique. Pas question de montrer le lion terrifiant ou les moutons qu’on mène au pré : Burns trouve des idées simples et amusantes qui fonctionnent bien. Traité avec ce sens de l’invention théâtrale, cette courte pastorale se révèle souvent drôle.

À la tête de La Serenissima, ensemble spécialisé dans le répertoire baroque, Adrian Chandler se dévoue admirablement à la défense de l’œuvre de Brescianello qu’il ne limite pas à l’unique bouffonnerie. L’inflexion parfois tragique des arie est de toute beauté, même si elle vient parfois contredire les choix de la mise en espace. Les couleurs développées par les musiciens sont vraiment délicates, et la vivacité des préludes très appréciée. Chandler lui-même tient sont monde de l’archet et s’illustre dans l’obligato virtuose de Fiero leon, sbranami amai (air de Thisbée).

Quatre solistes sont réunis pour ce tricentenaire. La lumière de la voix de Robert Murray (ténor) est idéale dans le rôle de Pyrame. Il montre une expressivité ardente qui suffit à faire plonger dans les affects de la rhétorique baroque. Quoique d’un format plutôt solide, la voix se prête avec grâce aux ornements. La légèreté du soprano Julia Doyle convient à l’impact vocal caractéristique de cette période de l’histoire de la musique, mais aussi parfait dans un ouvrage qui n’est pas tout à fait un opéra. Le contralto Hilary Summers joue d’un abattage comique évident pour la partie de la bergère Licori, mais de nombreuses inexactitudes dans l’intonation et des attaques souvent dures empêchent une satisfaction complète. Ce plaisir est offert par le baryton-basse Morgan Pearse : son Alceste est vaillant, tout feu tout flamme, et use de graves envoûtants pour essayer en vain de séduire Thisbée. Saluons la belle audace du Buxton Festival dans cette aventure !

HK