Chroniques

par monique parmentier

trois motets d’Antonio Vivaldi
Damien Guillon, Le Concert Spirituel et Hervé Niquet

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 30 avril 2011
© dr

Est-ce le besoin, en ces temps troublés, de retrouver un peu de fantaisie et de poésie subtilement lumineuse ou la création d’un Centre de musique baroque à Venise [lire notre dossier de février] ? Toujours est-il que Vivaldi n’avait plus connu un tel succès auprès des programmateurs et du public depuis longtemps.

Si le Concert Spirituel et Hervé Niquet sont autant reconnus dans la musique baroque que dans la romantique pour leur engagement dans la redécouverte du répertoire français, le programme de ce soir emportait le public parisien dans les splendeurs et le plaisir de la production religieuse du Prete Rosso. Du corpus important de motets laissé par ce dernier nous sont proposés les plus connus : Nisi Dominus RV608, Magnificat RV610 et Gloria RV589, ainsi que trois psaumes extrêmement brillants.

Sur un rythme d’enfer, Hervé Niquet a insufflé à ces œuvres une dynamique de l’urgence, par une direction en soulignant la dramaturgie. Fidèle à leur origine, c’est avec un chœur exclusivement féminin qu’il s’est présenté à nous. Ce choix fut un véritable émerveillement ! Parfaitement équilibré et d’une grande justesse, le chœur a offert une lisibilité de chaque partie permettant d’approcher les sphères célestes, mais en insistant sur leur impact théâtral par des nuances extrêmement marquées. À les entendre il n’est pas difficile d’imaginer l’effet que durent produire les jeunes chanteuses de l’Ospedale della Pieta sur l’auditeur vénitien du XVIIIe siècle. L’orchestre n’était pas en reste. Vives et d’une grande souplesse, les cordes du Concert Spirituel ont apporté au chœur et au soliste cette folle énergie vivaldienne.

Quant à Damien Guillon [photo], son timbre moelleux et délicat s’harmonisa parfaitement avec le chœur du Concert Spirituel. Si toutefois la voix manquait de puissance, l’élégance du phrasé possédait un charme certain. Le seul vrai regret de ce concert : une intempestive sonnerie de téléphone qui du Gloria est venu rompre l’instant à la suavité irréelle que le chanteur venait de créer avec ses partenaires.

Si, pleine d’allant, la soirée a peut-être parfois manqué d’un peu de sensualité, l’on en retiendra surtout l’interprétation du Lauda Jerusalem qui ouvrait la seconde partie. Le double chœur et les violons ont subjugué par la violence de leur engagement et la splendide luminosité vénitienne des voix.

MP