Chroniques

par bruno serrou

un grand Beethoven par l’Orchestre de Paris
l’accablant Mozart de David Fray

Salle Pleyel, Paris
- 11 février 2010
© paolo roversi

Programme classique, cette semaine, à l’Orchestre de Paris, dirigé à Pleyel par son directeur musical Christoph Eschenbach, avec des œuvres de compositeurs si rabâchés que l’on eut pu craindre la routine. Or, il n’en a rien été. Du moins dans les deux partitions de Beethoven, les plus souvent jouées. Car, c’est dans Mozart que le bas blesse. Certes, les musiciens avaient l’air heureux d’accompagner le soliste, David Fray. Mais ce dernier tirait une moue des mauvais jours, en franchissant le seuil du plateau et le traversant pour se rendre au piano, s’installant sur une chaise devant le clavier comme s’il subissait une punition, croisant les bras sur la poitrine l’air renfrogné tout au long de la longue introduction d’orchestre du Concerto en ut majeur KV 503 n°25, œuvre lumineuse et se concluant sur un final particulièrement enjoué. Pourtant, si l’orchestre brille de tous ses feux, le discours du soliste est creux, froid, hautain. Le jeune pianiste français ne semble en rien concerné par sa prestation et distille monotonie et ennui qui transpercent tous les pores de son visage jusque son comportement devant le clavier. Son bis paraît contraint et inévitable, se jetant dans Bach pour s’en débarrasser au plus vite.

En revanche, l’ouverture Léonore III qui ouvrait le concert avait tout l’air d’une mise en bouche, avant-goût des choix esthétiques d’Eschenbach, avec une section de cordes aux dimensions mahlériennes (18-16-14-12-9). De fait, la vision était dramatique à souhait, malgré des tempos trop élastiques et distendus.

Ce qui ne sera pas le cas de la Symphonie en mi bémol majeur Op.55 n° 3 « Eroica », fébrile, chaleureuse, d’une force mâle, sombre, certes, avec des basses grondantes à l’allemande, mais jamais lourde ni relâchée, pour se conclure dans la lumière et l’allégresse, laissant une heureuse sensation d’accomplissement. Les pupitres solistes de l’Orchestre de Paris s’en sont donné à cœur joie, brillant de tous leurs feux, répondant aux moindres sollicitations de leur directeur musical, à la veille de l’hommage qu’ils lui rendront pour ses soixante-dix ans, de toute évidence heureux de retrouver une partition que leurs lointains prédécesseurs de l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire avaient introduit en France voilà bientôt deux siècles sous la direction de leur fondateur, François-Antoine Habeneck…

BS