Chroniques

par laurent bergnach

une journée avec Garth Knox
L’amour à sept cordes – Éclats mats

Agora / Centre Wallonie-Bruxelles – Centre Pompidou, Paris
- 8 juin 2005
Une journée avec Garth Knox
© dr

Le chiffre sept lui porterait-t-il bonheur ? Membre de l'Ensemble Intercontemporain (de 1983 à 1990) puis du Quatuor Arditti (1990-1997), Garth Knox présente aujourd'hui, à destination d'un jeune public attentif, son spectacle intitulé L'amour à sept cordes. En un parcours de sept pièces de sa composition, secondé par l'ingénieur du son Philippe Boses, l'altiste vient nous parler des mystères et des secrets de son instrument.

Lampe de poche en main, il arrive sur une scène plongée dans le noir, pour faire connaissance avec les trois instruments éclairés qui l'attendent. Il touche une corde du premier alto, d'abord avec la main puis avec l'archet. Ce Premier pas permet à Joël – c'est son nom, c'est écrit dessus – de nous révéler combien sa sonorité hésite entre un côté sombre et un côté clair. Le musicien rejoint ensuite Gaspard, qu'il connaît déjà, et suffisamment bien pour répéter avec lui Un, deux, trois, quatre, une pièce pour le concert. Pour travailler son rythme, un métronome est nécessaire, même si ce dernier peut parfois s'emballer jusqu'à vous torturer ! Nos deux altos, si semblables, pourraient t-il s'entendre, jouer dans la même pièce ? Assis sur son tapis magique, le soliste relève le défi et, après les avoir accordés, joue Pas de deux, l'un posé au sol, l'autre sous le menton.

« Aujourd'hui, le musicien qui a le courage d'affronter l'accordage perpétuel requis par un instrument avec autant de cordes (la dernière corde enfin accordée, on constate souvent que la première est déjà fausse !) découvre en la viole d'amour d'immenses possibilités sonores inexplorées depuis des siècles. » En décrochant de son fil ce troisième instrument suspendu, Garth Knox va nous donner la preuve de ce qu'il avance. Aussi peu muette qu'un coquillage, la viole d'amour, si on l'écoute bien, nous raconte la musique du passé, qu'elle soit baroque, médiévale, irlandaise ou orientale. Si, pour Jeux de mémoires, elle nous prouve son aisance à dialoguer avec un alto enregistré sur bande, on peut également, en amplifiant par capteurs électroacoustiques sa caisse de résonance, faire naître la Musique des Sphères.

Nous touchons là aux mystères et possibilités évoquées ci-dessus : l'instrument, à mi-chemin entre la famille des violons et celle des violes, possède sept cordes sur le chevalet mais aussi sept autres, cachées dans le corps de l'instrument. Ce sont les cordes sympathiques qui vibrent en même temps que les cordes supérieures. Si on les caresse avec un, puis deux archets, elles peuvent encore nous surprendre. Le musicien traduit leur récit d'un jeune amoureux de Ravenne, Trivulce, qui commence comme une aventure de Boccace et s'achève dans une ambiance de conte gothique, spectrale à tout point de vue. Avant de prendre congé, l'artiste nous offre la pièce pour alto qui donne son nom au spectacle.

En soirée, on retrouve Garth Knox dans un autre spectacle de cinquante minutes, mais devant une salle plus dissipée (tousseurs et dépouilleurs de bonbons en tête) que celle de l'après-midi. Il faut dire que le silence a sa place dans Éclats mats, spectacle de la chorégraphe Olga de Soto – créé dans ce même Centre Pompidou, en juin 2001 –, qu'elle interprète avec Edith Christoph et Alban Richard. L'altiste y joue la musique de Salvatore Sciarrino. D'abord en retrait avec Ai limiti della notte – tandis que les trois danseurs, bondissants, couchés, pliés, frappent le plateau de la paume et du talon –, il vient rejoindre ses camarades, pieds nus lui aussi. Alors que les danseurs s'attachent à un travail sur la lenteur et l'équilibre, il livre, de loin en loin, un des Tre notturni brillanti. Si l'absence de contact entre les corps pourra dénoncer l'isolement des âmes, les vêtements aux couleurs vives, les poches de plastique remplies d'eau suspendues aux cintres, donnent au spectacle un côté apaisant, au diapason duquel se mettent les crissements flûtés de l'alto en devenant gazouillis.

LB