Chroniques

par bertrand bolognesi

Wunder der Schöpfung | Les merveilles de la création
film de Hanns Walter Kornblum – musique d’Andrea Agostini

Auditorium du Louvre, Paris
- 19 septembre 2011
Wunder der Schöpfung, film de Kornblum (1925)
© filmmuseum münchen

Poursuivant sa veine à entremêler verve scientifique et faconde musicale, comme le festival Agora l’affirmait en juin dernier, l’Ircam commence au Louvre sa nouvelle saison par la création d’une œuvre commandée au jeune Andrea Agostini qui suivit dans ses murs les cursus de composition, de 2008 à 2010. L’Italien s’est déjà beaucoup penché sur le théâtre, la radio et le cinéma, tout en développant avec le mathématicien et musicien Daniele Ghisti un répertoire d’outils informatiques à l’usage de la création assistée par ordinateur. C’est le film Wunder der Schöpfung (1925) qu’on lui a confié d’accompagner.

Si l’on connaît bien l’expressionnisme du cinéma allemand des années vingt, dans la suite des réalisations danoises et suédoises, il arrive aussi que le spectateur français d’aujourd’hui distingue clairement, quoiqu’on ne lui en demande pas trop, les bobines estampillées Neue Sachlichkeit qui intéressent forcément le mélomane. Peut-être parce que certains de ses signataires les plus talentueux se sont ensuite fourvoyés dans des amitiés nationale-socialistes, non sans un opportunisme qui à lui seul suffit à dégrader l’estime qu’on en pourrait avoir, le cinéma expérimental (dit « de montage ») et documentaire d’alors passe désormais assez inaperçu – quant au cinéma d’animation, ses acteurs ayant dû fuir le Reich, il est généralement assimilé à la production étatsunienne. La période compte également quelques exceptions notoires, de Fanck l’illuminé (qui lui aussi compromit son art avec le pouvoir nazi à partir de 1940, non sans avoir cependant tenté quelques années durant de résister) au persévérant Kornblum.

Dès les années dix, Hanns Walter Kornblum s’attelle à la manne éducative que peut être le cinéma. Rien de bien étonnant jusqu’à ce notre homme signe Die Grundlagen der Einsteinschen Relativitäts-Theorie en 1923 – autrement dit Les fondements de la théorie de la relativité d’Einstein –, remarquable demi-heure de géniale vulgarisation scientifique (à laquelle Einstein lui-même participa discrètement). L’année suivante, c’est à l’astronomie qu’il décide de consacrer son prochainfilm. Tout en s’appuyant sur les connaissances scientifiques les plus poussées de son temps, qu’il communique d’ailleurs brillamment, Wunder der Schöpfung lorgne du côté du conte d’anticipation, nous faisant poser un pied (un œil) sur la lune quarante-quatre ans avant Armstrong. Après un bref exposé purement pédagogique, la salle embarque à bord d’un vaisseau spatial qui, avec autant d’assurance que d’humour et de fantaisie, lui fait explorer étoiles, planètes, voie lactée, etc. D’extrapolations inspirées naît bientôt une poésie déroutante.

Conscient de la nature particulière des sept actes muets auxquels sa musique aurait à s’associer, Andrea Agostini demeure sagement à la marge, les bobines s’exprimant alors dans une aura électronique non illustrative. Laissant peu percevoir de l’univers compositionnel de son auteur, la démarche est courageuse autant qu’efficace.

Une ombre, pourtant : la configuration de la salle, situant le sous-titrage très bas sous l’écran qui n’est guère haut, face à une disposition en gradins, de sorte qu’il est quasiment impossible de les lire, handicap notable lorsqu’il s’agit d’un muet fort bavard en cartons.

BB